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Sunday, June 29, 2014

Question de mort

Du point de vue historique, les signes utilisés pour établir le diagnostic de décès ont évolué : du 18ème siècle jusqu’en 1950 environ, l’arrêt des battements cardiaques suffisait pour affirmer la mort du sujet. Dès 1959, les possibilités de suppléance cardiorespiratoire ont fait s’interroger sur les critères diagnostiques de la mort. Des auteurs (français) ont ainsi publié sur le coma dépassé ou la mort du système nerveux. Il y a donc actuellement deux entrées (cardiorespiratoire et/ou cérébrale) pour une seule « sortie », la mort.
Un rapport sur la détermination du décès, élaboré à l’initiative de l'Organisation Mondiale de la Santé, a été récemment publié (1). Les experts donnent une définition pragmatique de la mort : « la mort est la perte permanente de la capacité de conscience associée à la perte de toutes les fonctions du tronc cérébral, conséquences d’un arrêt circulatoire ou de lésions cérébrales catastrophiques ».
La définition proposée s’abstient de termes suggérant la mort d'un organe, comme « mort cérébrale » ou « mort cardiaque ». Elle réunit le cœur et le cerveau en une acception unique de la mort.

L’éditorial (2) qui commente ce rapport revient sur le terme « permanent » utilisé pour caractériser la perte d’une fonction et non pas « irréversible ». Permanent fait référence à une condition qui dure mais qui, en théorie, pourrait être inversée alors que irréversible signifie que la fonction ne pourra jamais être restaurée. En effet, avec les technologies actuelles, de nombreux organes peuvent être remplacés, ou leur fonction prise en charge. De nombreux organes, mais pas tous (le cerveau). Le mot permanent se réfère donc à la circulation. La fonction circulatoire peut, dans de nombreuses circonstances, être prise en charge par une réanimation cardiorespiratoire ou une circulation extracorporelle. Le mot permanent laisse une possibilité de choix.
Un des problèmes soulevé par cette définition est que la mort cérébrale n'est pas toujours acceptée comme la mort. L’éditorialiste prend l’exemple de Jahi McMath, une jeune fille de 13 ans, déclarée en état de mort cérébrale après une hémorragie massive et un arrêt cardiaque à la suite d’une intervention chirurgicale. Sa famille a rejeté le diagnostic de décès établi par les médecins et a sorti sa fille de l’hôpital pour pouvoir poursuivre la ventilation assistée et la nutrition entérale dans une structure privée. Au cours de la discussion de ce cas dans l’article le rapportant (3), il est précisé que « la mort a été fondamentalement considérée [par les médecins] comme un événement biologique ... les aspects ou points de vue juridique, éthique, culturel et religieux sur la mort n'ont pas été inclus ». Cependant, dans cet exemple, la fonction biologique justement se poursuit : la ventilation étant maintenue et le corps nourri, les fonctions circulatoire, hormonale et autres processus peuvent continuer.
Ce débat philosophique sur les définitions de la vie et de la mort est extrêmement intéressant et nécessaire, mais nous devons rester conscients des problèmes pratiques aux quels se confronte un médecin réanimateur. A cet égard, dans des conditions préalables définies et après un diagnostic techniquement correct de mort cérébrale, on peut déclarer le décès et prendre les mesures éventuelles en cas de don d’organes.
Dr Béatrice Jourdain
Références
1) Shemie SD et coll. : The International Guidelines for Determination of Death Phase 1 Participants, in collaboration with the World Health Organization (2014) International guideline development for the determination of death. Intensive Care Med., 2014; 40:788-97. doi: 10.1007/s00134-014-3242-7.
2) Kuiper M, Kompanje E : Only a very bold man would attempt to define death. Intensive Care Med 2014; 40: 897–899 DOI 10.1007/s00134-014-3259-y
3) Magnus DC, Wilfond BS, Caplan AL. : Accepting brain death. N Engl J Med. 2014; 370:891-4. doi: 10.1056/NEJMp1400930. doi:10.1056/NEJMp1400930

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