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Thursday, June 5, 2014

Déprivation androgénique pour cancer de la prostate localisé, pas vraiment de bénéfice sur la survie !

Les cancers prostatiques localisés (CPL) jugés peu agressifs, notamment du fait d’un score de Gleason < 7 et un taux de PSA < 30 ng/ml) ont de fait une évolution imprévisible. Chez le sujet encore jeune (âge < 65 ans), la sécurité oncologique incite à se tourner vers la prostatectomie radicale tandis que pour le sujet plus âgé, ou encore en cas de comorbidités rédhibitoires ou dangereuses, une surveillance active est préconisée, une intervention plus agressive, pas nécessairement chirurgicale étant décidée au cas par cas, en fonction des manifestations cliniques ou biologiques. L’indication d’une radiothérapie pelvienne ou d’une curiethérapie peut ainsi devenir légitime.
La surveillance active mérite-t-elle d’être couplée à une déprivation androgénique (DPA) ? Castration chirurgicale ou chimique ? Ces stratégies sont en théorie séduisantes d’un point de vue pathogénique, car il est admis que la testostérone tend à favoriser la prolifération tumorale. La DPA pharmacologique est particulièrement tentante car elle repose sur une prescription médicamenteuse qui, pour être simple dans son principe, n’en est pas moins lourde de conséquences en termes d’effets secondaires. Le risque mériterait d’être encouru, s’il était payé en retour, par un bénéfice quantitatif ou qualitatif en termes de survie, notamment.
Une étude de cohorte rétrospective vient tempérer l’ardeur des tenants de la DPA dans ce contexte particulier. Elle repose sur les données d’un registre, constitué entre 1995 et 2008, dans lequel ont été inclus 15 170 patients atteints d’un CPL de diagnostic récent. Aucun traitement curatif spécifique n’a été instauré, une surveillance active étant assurée jusqu’en décembre 2010. Deux groupes ont été formés, selon qu’une DPA a été instaurée ou non. Le modèle des risques proportionnels de Cox, avec ou sans analyse de propension, a été utilisé pour évaluer la mortalité globale et celle liée à la maladie elle-même.
Les résultats sont éloquents. La comparaison intergroupe révèle globalement  que la DPA n’a eu aucun effet bénéfique sur la mortalité, quelle qu’en soit la cause, ceci après ajustement en fonction des principaux facteurs de confusion tant sociodémographiques que cliniques. Ainsi, le risque relatif ajusté (RRA) de décès a été estimé à 1,04 (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 0,97-1,11), pour ce qui est de la mortalité globale. Le RRA, pour ce qui est de la mortalité imputable au cancer, a été estimé à 1,03 (IC95 %, 0,89-1,19). Ceci vaut pour l’analyse globale des données. Si l’on se réfère à un sous-groupe caractérisé par un risque élevé de progression du CLP, le RRA, uniquement pour ce qui est de la mortalité globale est apparu un peu plus faible avec la DPA, sa valeur étant en effet de 0,88 (IC95 %, 0,78-0,97).
Certes, il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective et l’on connaît les limites de cette approche. Néanmoins, l’effectif est considérable (plus de 15 000 patients) et ces résultats ne sont pas les seuls à attirer l’attention sur les limites de la DPA chez les sujets atteints d’un CLP non traité. Le bénéfice de la DPA semble être globalement mince, voire nul, si l’on raisonne en termes de mortalité liée au cancer. Dans les cas à haut risque de progression, ce traitement permettrait de diminuer la mortalité globale. C’est dire que ses indications, à l’heure actuelle, méritent d’être soigneusement pesées, la surveillance active restant la méthode de choix jusqu’à preuve du contraire, la stratégie thérapeutique devant cependant intégrer l'âge et les préférences du patient.
Dr Philippe Tellier
Références
Potosky AL et coll. : Effectiveness of Primary Androgen-DeprivationTherapy for Clinically Localized Prostate Cancer.J Clin Oncol., 2014., 32: 1295-1298 doi: 10.1200/JCO.2013.54.2043

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