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Wednesday, November 26, 2014

10 idées fortes sur                                                les anesthésiques locaux

(Lirk P et al. Eur J Anaesthesiol. 2014 Nov; 31(11): 575-85) 
Les auteurs de cette revue ses sont intéressés à dix questions essentielles concernant les anesthésiques locaux (AL) et les exposent dans un numéro consacré à l'anesthésie loco-régionale. 

1. On distingue des dérivés amides (métabolisés par oxydation au niveau hépatique) et les dérivés esters (métabolisés par les cholinestérases plasmatiques et tissulaires). Les AL occasionnent peu d'allergies. Ils comprennent les agents à courte durée d'action, la chloroprocaïne, à durée d'action intermédiaire, la mépivacaïne et la lidocaïne, et à longue durée d'action, la bupivacaïne et la ropivacaïne. En théorie, les énantiomères, tels que la lévobupivacaïne, sont plus efficaces et moins toxiques que les AL racémiques (bupivacaïne). En réalité, la différence reste modeste à des doses équipotentes. La toxicité systémique dépend de la fraction libre, non liée aux protéines plasmatiques. Le taux d'absorption dépend du site d'injection avec une concentration plasmatique identique après l'injection, par exemple, de 300 mg de lidocaïne par voie intercostale, 500 mg par voie péridurale ou 1000 mg par voie sous-cutanée. Les AL sont liés à l'albumine (faiblement) et à l'alpha-1-glycoprotéine acide (forte liaison), dont la concentration est augmentée en postopératoire et en cas de traumatisme, ce qui réduit le pourcentage de formes libres et donc le risque de toxicité. Chez le nouveau-né, le risque de toxicité augmente en revanche du fait de l'immaturité de la synthèse en alpha-glycoprotéine acide. 

2. Les AL sont des agents bloquant les canaux sodiques voltage-dépendants qui comportent dix sous-unités qui peuvent dysfonctionner ou muter, entrainant des effets délétères (douleurs) chez les patients qui en sont atteints. Au même titre que les AL, la péthidine ou la buprénorphine ont des propriétés anesthésiques locales du fait d'interactions avec les canaux sodiques. 


3. En théorie, le blocage de la conduction nerveuse par les AL concerne en premier les fibres non myélinisées, puis faiblement myélinisées et, enfin, les fibres fortement myélinisées du fait de difficultés pour ces agents d'atteindre l'axone. En pratique, le diamètre de la fibre ou sa myélinisation ne sont pas les seuls responsables du délai ou de l'importance du bloc de conduction. On distingue également les propriétés physiopathologiques des fibres et leur composition en canaux sodiques. 


4. Les AL ont des effets différents lorsqu'ils sont administrés ou absorbés par voie systémique. Ils atténuent les phénomènes d'hyperalgésie, d'inflammation et d'hypercoagulabilité, ils bloquent d'autres canaux, tels que les canaux potassiques, calciques ou nicotiniques. Leurs effets systémiques dépendent de leur taux plasmatique. 


5. Les AL ne sont classiquement pas ou peu actifs quand ils sont administrés dans une zone inflammatoire. Trois hypothèses existent pour expliquer ce phénomène. En milieu acide, la balance entre la forme ionisée et non ionisée est déséquilibrée avec une plus faible concentration en forme libre qui pénètre ainsi plus faiblement la membrane cellulaire. L'inflammation induit un phénomène d'hypersensibilisation qui tend à s'opposer au blocage nerveux. Enfin, l'augmentation de la vascularisation des tissus inflammatoires entraîne une augmentation de l'absorption. Il existe deux moyens d'accroitre l'efficacité des AL en milieu inflammatoire : augmenter la concentration en AL et injecter un agent vasoconstricteur.  


6. Il existe une toxicité systémique des AL, cardiaque et neurologique. Cette toxicité dépend des circonstances du passage intravasculaire des agents. En cas de volume élevé, une crise convulsive se produit, ainsi que des troubles sévères du rythme cardiaque entrainant un arrêt cardio-circulatoire. Si le passage est plus modéré, le patient ne peut présenter qu'une crise convulsive isolée ou quelques signes non sévères de toxicité en cas de surdosage avec une concentration plasmatique élevée. Cette toxicité dépend des différents agents utilisés. Par exemple, la ropivacaïne et la lévobupivacaïne sont inotropes négatifs et très arythmogènes. Les recommandations quant à l'injection des AL et l'introduction de l'échographie ont fortement réduit ces risques.  


7. L'intralipide n'est pas un antidote en cas d'intoxication, mais son efficacité est connue pour trois raisons qui restent des hypothèses : il se lie aux AL sous forme libre (capture) ; il interagit avec les canaux sodiques ; il a une action sur le métabolisme mitochondrial. Il réduit la concentration cardiaque en bupivacaïne de 11% en 3 min et la concentration cérébrale de 18% en 15 min.  


8. Les AL sont paradoxalement neurotoxiques (exemple de la lidocaïne par voie intrarachidienne) et myotoxiques (rarement apparent cliniquement).  


9. Il existe un effet antimétastatique des AL dont les causes sont directes et indirectes : cet effet passe par une réduction de la croissance tumorale, une action toxique directe en cas d'infiltration, mais aussi une diminution de la réponse au stress et la préservation de la réponse immunitaire. 


10. Parmi les pistes de développement des AL dans le futur, figurent la recherche de sous-types de canaux sodiques de manière à être encore plus sélectifs, la mise sur le marché de vieux agents, tels que la prilocaïne, avec de nouvelles indications intéressantes, notamment en chirurgie ambulatoire, l'analgésie multimodale périnerveuse et le développement de la bupivacaïne liposomale qui permettrait de s'affranchir des cathéters en postopératoire. 

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