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Saturday, February 15, 2014

Ne pas participer « à un traitement cruel, inhumain ou dégradant »

 
Médecins allemands se livrant à des expérimentations sur un prisonnier du camp de Buchenwald
Exerçant au Centre de Santé Mentale de Beer Ya’acov (Israël), le Dr Rael Strous évoque les considérations éthiques s’imposant aux médecins en général, et aux psychiatres en particulier, lors des conflits, lesquels persistent hélas « un peu partout dans le monde, malgré les progrès de la civilisation », au point qu’on peut se demander, avec pessimisme, si l’inclination belliqueuse est consubstantielle à l’humanité.

Les praticiens devraient, estime l’auteur, opérer la distinction entre leur vie professionnelle et leur vie civile : en tant que « citoyens ordinaires », des psychiatres peuvent ainsi « s’impliquer dans un activisme politique », mais comme médecins, cette démarche « devrait être découragée. » Les psychiatres devraient rester neutres en temps de guerre, ne pas prendre parti, si ce n’est celui des gens qui souffrent des conséquences du conflit, surtout « quand leurs droits se trouvent limités. » Cela va sans dire, mais il est bon de rappeler que l’ONU dénonce les actes de torture (comme des méthodes infligeant délibérément une douleur physique ou morale pour obtenir des aveux ou des informations d’un prisonnier) et que le serment d’Hippocrate est incompatible avec toute collaboration avec des tortionnaires. Si le sinistre exemple des médecins nazis ne suffit pas à dénoncer cette triste possibilité, on peut préciser que, dans sa déclaration de Tokyo de 1975[1], l’Association Médicale Mondiale dit explicitement qu’aucun médecin « ne devra jamais participer » à une « torture ou autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant », quels que soient les faits dont la victime est suspectée ou coupable. Cette non-participation à un supplice s’impose au médecin, même en tant que « simple témoin » et s’il ne commet pas lui-même directement une telle exaction, car il manquerait alors à son devoir constant d’assistance à une personne souffrante.

Ce débat rappelle d’ailleurs celui de la « médicalisation » de la peine de mort dans certaines parties du monde (notamment dans certains états des USA) où des praticiens se prêtent à la « surveillance médicale » du condamné à mort, au mépris de l’article 2 de cette déclaration de Tokyo stipulant qu’un médecin « ne devra jamais fournir les instruments ou produits, ni faire état des ses connaissances en vue d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant ou d’affaiblir la résistance » d’une personne. Et cette participation éminemment contestable du médecin à un « meurtre légal » fut caricaturale dans des pays (comme le Royaume Uni au XIXème siècle) où la législation tenait les suicidés pour des criminels : une tentative de suicide pouvait alors être punie d’une lourde peine, y compris de mort, le suicidant étant alors ramené médicalement à la vie pour être pendu ! En France, ce fut le sort de Pierre Laval : condamné à mort à la Libération pour collaboration avec l’Allemagne nazie, il fit dans sa cellule une tentative de suicide dont on le tira d’affaire... pour le fusiller ensuite comme prévu !

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