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Monday, September 2, 2013

Cancer : de l'importance des mots employés quand le patient choisit la stratégie

Auteur : Stéphanie Lavaud
29 août 2013
San-Francisco, Etats-Unis - 

Dans le cas de pathologies graves, comme le cancer, le choix des mots utilisés par le médecin pour désigner la lésion est crucial, et ce d'autant que ce choix est susceptible d'influencer l'option de traitement choisie par la patiente (quand possibilité de choix il y a). Un travail publié dans le JAMA [1].

En l'absence de consensus clairement établi


Les carcinomes canalaires in situ (CCIS) représentent 85 à 90 % des cancers du sein in situ, soit approximativement 15 à 20 % des cancers du sein. Ils se définissent comme une prolifération de cellules malignes à l'intérieur du réseau galactophorique, sans franchissement de la membrane basale [2].
La découverte d'un cancer in situ est une situation de plus en plus fréquente grâce à la mammographie de dépistage et à une meilleure interprétation de celle-ci. Il s'agit d'un cancer ayant un risque potentiel d'évolution vers un cancer invasif.  Néanmoins « le délai peut aller de 5 à 40 ans, et n'intervient généralement que dans 20% des cas » indiquent les auteurs de l'étude [1].
L'objectif thérapeutique est, bien sûr, la prévention de la progression de la maladie, tout en conservant, autant que possible, le sein. Il n'existe actuellement aucun consensus clairement établi concernant le type de prise en charge des CCIS. En France, les options thérapeutiques comprennent la mastectomie, la tumorectomie associée à la radiothérapie ou la tumorectomie seule.
Aux Etats-Unis, en plus de ces différentes options, la possibilité d'une surveillance active de ces CCIS est apparue comme une « proposition raisonnable », à l'instar de ce qui se fait dans le cancer de la prostate à des stades précoces.
On imagine alors l'importance que revêt le choix des mots utilisés pour évoquer la pathologie lorsqu'il revient à la patiente (avec son médecin) de choisir un traitement plutôt qu'un autre, et a fortiori si l'on y inclut la surveillance active. Le travail réalisé par des auteurs américains - et ne reflétant pas nécessairement la pratique française face aux CCIS - a, prudemment, été mené chez des patientes exemptes de cancer du sein.

Dire le mot "cancer" ou pas


Les chercheurs au Massachusetts General Hospital-Institute for Technology Assessment (Boston) ont émis l'hypothèse que selon que le personnel médical utilisait les mots carcinome, cancer de stade 1, cancer non-invasif, lésions, cellules anormales, pour décrire le CCIS à la patiente, celle-ci était susceptible de les interpréter de façon différente et que cela pouvait influer sur son choix de traitement.
Ils ont proposé 3 scénarios à 394 femmes saines décrivant le diagnostic de CCIS et utilisant les termes soit de cancer du sein non invasif, soit de lésions mammaires, soit de cellules anormales, les messages expliquant les tenants et les aboutissants potentiels de la pathologie étant par ailleurs identiques. Pour chaque scénario, trois possibilités de traitement étaient proposées : chirurgie, traitement médical et surveillance active.
Les résultats apparaissent dans le tableau ci-dessous. De façon générale, les options non chirurgicales (médicale et surveillance active) ont été préférées à la chirurgie.
Termes utilisés pour décrire le carcinome in situ, nombre (%) de participants
Option de traitements Cancer Lésions Cellules anormales
Chirurgie (n = 394) 186 (47) 136 (34) 124 (31)
Traitement médical
(n = 394)
79 (20) 70 (18 82 (21)
Surveillance active
(n = 394)
129 (33) 188 (48) 188 (48)
P < 0,001
Les auteurs ont montré que, quand le cancer est évoqué comme étant à haut risque, mais que le mot cancer n'est pas mentionné, plus de 65 % des femmes font le choix d'un traitement non chirurgical.
L'étude comporte bien sûr un certain nombre de limites que rappellent les auteurs. Primo, la cohorte comportait des femmes avec un niveau d'éducation élevé et bénéficiait d'une bonne assurance, différant en cela d'une cohorte de population avec un CCIS. Secundo, les femmes qui ont répondu n'étaient pas elles-mêmes concernées par un CCIS, et auraient peut-être réagi différemment si elles avaient été directement concernées. Tertio, les projections des aboutissements possibles des CCIS étaient standardisés et non personnalisés.
Les auteurs concluent donc que « la terminologie utilisée pour décrire un CCIS a un impact significatif sur la perception que peuvent avoir les patientes des différentes alternatives thérapeutiques possibles».
Références
  1. Omer Z.B, Hwang E.S., Esserman LJ et coll. Impact of Ductal Carcinoma In Situ Terminology on Patient Treatment Preferences. JAMA Intern Med. Published online August 26, 2013. doi:10.1001/jamainternmed.2013.8405
  2. InCA. Recommandations. Cancer du sein in situ. Octobre 2009

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