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Thursday, June 19, 2014

L’enzalutamide, une nouvelle option pour le cancer de la prostate métastasé

Le cancer de la prostate est, à travers le monde, le plus fréquent des cancers masculins et le 6e en terme de mortalité spécifique. Depuis 1941, date de découverte de son hormono-dépendance, le blocage androgénique constitue la pierre angulaire de son traitement. Toutefois, à un stade avancé, chez la plupart des patients, malgré un contrôle efficace de la testostéronémie sous privation androgénique (analogue de l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaire, LHRH, ou orchidectomie avec ou sans anti- androgènes associés), on note une progression de la maladie. Ce stade évolutif est, de façon courante, appelé cancer de la prostate castrato-résistant. Il est, presque toujours, associé à une élévation du taux de l’antigène prostatique spécifique (PSA), suggérant que, même lors  d’une phase tardive, la maladie reste sous la dépendance de récepteurs androgéniques. De fait, il existe alors une sur- expression de ces récepteurs induisant une résistance au traitement de blocage hormonal et les taux  d’androgènes intra-tumoraux sont très élevés.

Un nouvel inhibiteur des récepteurs androgéniques

L’enzalutamide (précédemment dénommé MDV 3100) est un inhibiteur ciblé des récepteurs androgéniques qui se lie, de façon compétitive, au domaine de ligand de ces récepteurs, inhibe leur translocation vers le noyau cellulaire, le recrutement de co-facteurs et leur fixation sur l'ADN. Dans une précédente étude de phase 3, l’administration de cette molécule, comparée à celle d’un placebo, avait été associée à une prolongation de la survie globale et du délai sans progression, un retard dans l’apparition des complications osseuses et une amélioration de la qualité de vie de malades porteurs  d’un cancer prostatique hormono- résistant et ayant déjà reçu du docetaxel.
Dans un travail récent, publié dans le New England Journal of Medecine, T M Beer et ses collégues ont évalué l’apport de l’enzalutamide chez des sujets encore asymptomatiques ou très modérément symptomatiques, porteurs  d’un cancer de la prostate métastasé, en progression malgré un traitement de privation androgénique et n’ayant pas encore reçu de chimiothérapie. L’essai, dénommé PREVAIL, est une étude de phase 3, menée dans plusieurs pays, en double aveugle, avec randomisation centralisée, contrôlée sous placebo. Elle a été réalisée sous l’égide  d’un comité indépendant et a comporté une analyse intérimaire pré- spécifiée. Les patients éligibles devaient avoir un adénocarcinome de la prostate histologiquement ou cytologiquement prouvé, des métastases bien documentées, un PSA en hausse et une progression, soit osseuse, soit au niveau des tissus mous en imagerie malgré un traitement par analogue LHRH ou orchidectomie préalable. Leur testostéronémie était inférieure ou égale à 1,73 nmol. Le traitement de privation androgénique a été maintenu et la corticothérapie autorisée mais non systématique. Aucun des participants n’avaient reçu de chimiothérapie, de kétoconazole ou  d’acétate  d’abiratérone. Ils étaient en bon état général (score OMS de 0 à 1) avec une symptomatologie nulle ou très minime. Les patients porteurs de métastases viscérales pouvaient être inclus tout comme ceux en insuffisance cardiaque modérée. Etaient par contre exclus les sujets épileptiques ou prédisposés à la comitialité.

Plus de 1700 patients atteints d’un cancer de la prostate métastasé

Entre Septembre 2010 et Septembre 2012, une randomisation centrale a été effectuée en 2 sous groupes, soit prise de 160 mg  d’enzalutamide per os journellement, soit administration  d’un placebo. Le protocole a été maintenu jusqu’à progression en imagerie, survenue  d’un effet secondaire majeur, mise en route  d’une chimiothérapie ou  d’un autre traitement en cours  d’expérimentation. Le critère principal  d’évaluation a été la survie sans progression et la survie globale. Les autres critères incluaient le délai avant chimiothérapie, celui avant un premier événement pathologique osseux, le délai avant une nouvelle progression du PSA et la qualité de vie sous traitement. Un examen scannographique ou par résonance magnétique nucléaire, couplé à une scintigraphie osseuse a été pratiqué au départ, puis à la 9e, 17e, 25e semaine et, ultérieurement toutes les 12 semaines afin de suivre la progression de la maladie. L’analyse a été faite en intention de traiter avec une analyse intermédiaire prévue après 540 décès.
Au total, 1 717 participants ont été enrôlés, 872 recevant de l’enzalutamide et 845 un placebo. Les 2 groupes étaient similaires mais le temps de prise d'enzalutamide a été de 16,6 mois contre 4,6 mois pour le placebo. A 1 an, 68 % des patients prenaient encore l’antiandrogène vs 18 % le placebo. Au terme de 12 mois de suivi, le taux de survie sans progression s’établit respectivement à 65 % avec l’enzalutamide et à 14 % sous placebo. On note, sous principe actif, une réduction de 81 % du risque de progression radiologique (Hazard Ratio à 0,19 pour un intervalle de confiance à 95 % (IC) entre 0,15 et 0,23 ; p < 0,001). Une progression ou un décès ont été observés chez 14 % (118/ 832) des  sujets traités et 40 % (312/ 801) de ceux sous placebo. La moyenne de survie globale a été calculée à 32,4 mois vs 30,2 mois. A la fin de l’étude, 72 % des patients du groupe actif étaient encore en vie face à 63 % sous placebo, soit un Hazard Ratio [HR] à 0,71 (IC : 0,6-0,84; p < 0,001). L’amélioration a été détectable dans tous les sous groupes pré-spécifiés, qu’il y ait, ou non  prise antérieure  d’anti-androgènes. Du fait de ces résultats très probants, l’étude a été arrêtée après analyse intermédiaire avec recommandation de mettre l’ensemble des participants sous enzalutamide.

Prolongation de la survie et délai allongé avant la chimiothérapie

Quarante pour cent des patients sous enzalutamide ont dû recevoir un traitement complémentaire (en règle docetaxel ou abiratérone) et 70 % de ceux sous placebo. Le délai moyen avant mise en route de la chimiothérapie s’établit à 28,0 mois vs 10,8 mois (HR : 0,35 ; p < 0,001). On constate sous traitement actif une réduction du risque de survenue  d’un événement osseux pathologique (HR : 0,72 ; p < 0,001). Une réponse objective a également été notée dans 59 % des cas de métastases viscérales sous traitement actif vs 5% sous placebo. Le taux de réponse complète ou partielle s’établit respectivement à 20 et 39 % face à 1 et 4 % sous placebo. Le délai avant reprise de la progression du PSA est plus long ainsi que celui avant dégradation de l’état général (11,3 mois vs 5,6 mois ; HR : 0,63 ; p < 0,001).
Au plan de la iatrogénie, un effet secondaire de grade 3 ou plus a été notifié chez 43 % des patients sous enzalutamide et chez 37 % de ceux sous placebo. Il faut, à ce propos, remarquer que la période de suivi a été nettement plus longue sous traitement actif et que le délai avant manifestation d’un effet iatrogène  plus prolongé dans ce cas (22,3 mois en moyenne sous enzalutamide et 13,3 mois sous placebo). On a noté davantage de bouffées de chaleur,  d’hypertension et de chutes. Une comitialité a été constatée chez un malade de chaque groupe en cours de protocole. Enfin, aucune hépato-toxicité n’a été à déplorer sous enzalutamide.
Il apparaît donc que l’enzalutamide, à la posologie de 150 mg/j per os réduit la progression radiologique, la mortalité, améliore la survie globale et allonge le délai avant le recours à la  chimiothérapie pour les patients porteurs  d’un adénocarcinome prostatique métastasé. Le bénéfice thérapeutique est détectable dès le 4e mois et tend à se maintenir au fil du temps. Il est également notable en cas de métastases viscérales dont le pronostic plus réservé est connu. Parallèlement est observée une amélioration de la qualité de vie et un profil de tolérance satisfaisant. Une hypertension artérielle a été plus souvent notifiée sous enzalutamide (13 % vs 4 %), souvent chez des patients déjà hypertendus. Elle a été, en règle, facilement contrôlée. Contrairement à ce qu’il se passe avec d’autres anti- androgènes, il n’a été noté aucun cas  d’hépato-toxicité. Le travail de TM Beer et collaborateurs confirme donc que l’enzalutamide, agent oral avec un excellent profil de toxicité, est utile chez des patients avec un adénocarcinome prostatique métastasé, encore peu ou pas symptomatiques, avant chimiothérapie. Il retarde notamment la progression radiologique et réduit le risque de décès.
Dr Pierre Margent
Références
Beer TM et coll. : Enzalutamide in Metastatic Prostate Cancer before Chemotherapy. N Engl J Med. 2014; publication avancée en ligne le 1er juin. DOI: 10.1056/NEJMoa1405095

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