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Sunday, January 26, 2014

Et si on parlait vraiment de la fin de vie ?

Max Beckmann, grande scéne d'agonie, 1906
Paris, le mercredi 22 janvier 2014 –

 Peut-être à cause du tabou persistant autour de la mort, peut-être parce que le chef de l’Etat lui-même ne prononce jamais le mot, nous ne parlons pas en France d’euthanasie, mais de « laisser mourir » (puisque c’est ce que permet la loi Leonetti) ou encore « d’accompagnement de la fin de vie ». Ce glissement sémantique semble à l’origine d’un phénomène dommageable : de la fin de vie, de la façon dont en France nous finissons notre existence, nous passons nos derniers jours, il n’est pas vraiment question, puisque nous nous focalisons uniquement sur la façon dont nous passons de vie à trépas. Créé en 2010, l’Observatoire national de la fin de vie a tenté de remédier à cette lacune en proposant par exemple plusieurs enquêtes sur l’accueil dans les maisons de retraite.

Le droit de choisir où l’on vit n’existe plus pour les personnes âgées

Dans son rapport annuel remis hier aux ministres de la Santé et des Personnes âgées, l’Observatoire fidèle à sa mission s’intéresse aux plus âgés d’entre nous. Il constate ainsi qu’il existe une profonde dénégation de la volonté des personnes âgées. Ainsi, les trois quart de celles qui résident dans une maison de retraite ne l’ont pas choisi. « Il faut faire du respect des droits des personnes âgées une priorité : le droit de choisir leur lieu de vie, le droit de choisir d’arrêter les traitements, le droit de rester à leur domicile si elles le souhaitent, et le droit d’exprimer leurs souhaits par avance, en particulier lorsqu’elles sont atteintes de la maladie d’Alzheimer » insiste l’Observatoire dans un communiqué. Plus généralement, l’institution appelle à une évolution de notre « vision (…) du grand âge ».

Seules 15 % des maisons de retraite comptent une infirmière de nuit

Bien sûr, le rapport s’intéresse également à la mort de nos aïeux. Il réitère un constat fait en septembre à l’issue d’une enquête conduite dans les EHPAD : trop souvent encore, les résidents sont envoyés aux urgences où ils meurent sans bénéficier d’un accompagnement adapté. La raison de ce phénomène s’explique notamment par la trop faible présence d’infirmières de nuit dans les maisons de retraite : c’est le cas dans plus de 85 % des établissements. 
Ainsi, lorsque l’état de santé d’un patient se dégrade en l’absence des infirmières, les aides-soignantes sont incapables de mettre en place un protocole de soulagement de la douleur qui aurait été décidé avant avec les praticiens et n’ont qu’une seule option : transférer le malade aux urgences. Pour l’Observatoire de la fin de vie, la présence d’une infirmière dans tous les EHPAD chaque nuit permettrait d’éviter « 18 000 hospitalisations en fin de vie ». Aussi, en fait-il la première de ses recommandations en suggérant la possibilité de « mutualiser » les infirmières dans les établissements proches.

La mort des vieux : un naufrage social !

Neuf autres propositions concernent notamment une plus grande implication des équipes mobiles de soins palliatifs dans les EHPAD, la création d’un module « accompagnement de la fin de vie » qui devrait être obligatoirement suivi par les médecins travaillant dans ces établissements, l’amélioration de  la formation des aides à domicile à ces questions ou encore la rédaction de recommandations en vue d’un meilleur repérage des situations de fin de vie à domicile afin d’éviter certaines hospitalisations et de permettre à ceux qui le souhaitent de mourir chez eux. L’ensemble de ces suggestions est destiné à éviter que la fin de vie des personnes âgées ne devienne un « véritable naufrage social ».

L’Académie de médecine veut participer au débat sur « l’euthanasie »

Si le rapport a été remis au ministre de la Santé, ce n’est pas principalement sur ces propositions qu’elle se sera exprimée hier, à l’occasion de ses vœux. Elle aura plus certainement évoqué l’affaire Vincent Lambert, soulignant notamment que si l’épouse de ce dernier formait un recours devant le Conseil d’Etat de la décision prise par le tribunal de Châlons-en-Champagne la semaine dernière, le CHU s’engagerait à ses côtés dans cette action. Il s’agirait cependant prioritairement de lui apporter un soutien moral et de disposer d’une « jurisprudence » et non pas de défendre une position a-t-elle précisé. Le ministre a par ailleurs indiqué qu’un projet de loi sur l’accompagnement de la fin de vie serait présenté en Conseil des ministres d’ici l’été, à l’issue des différentes consultations engagées. Soulignons à cet égard, qu’hier l’Académie de médecine a une nouvelle fois estimé que de nouvelles dispositions législatives sur ce thème ne lui apparaissaient pas nécessaires, la loi Leonetti suffisant selon elle. Elle a par ailleurs rappelé qu’elle souhaitait être impliquée dans ce débat. Concernant le cas de Vincent Lambert, elle a jugé que cette affaire mettait tout particulièrement en évidence l’importance de faire mieux connaître en France le dispositif des directives anticipées.
Aurélie Haroche

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