Translate

Wednesday, May 29, 2013

Peur, anxiété et douleur


Peur, anxiété et douleur




jeudi 18 janvier 2007
Mise en ligne : janvier 2007
La peur de la douleur associée aux interventions médicales et à la maladie
Synthèse et traduction de l’article "Fear of pain associated with medical procedures and illnesses"
Marıa Teresa Munoz Sastre, Marie-Christine Albaret, Rosa Maria Raich Escursell, Etienne Mullet
European Journal of Pain 10 (2006) 57-66
En bref
Cette étude avait pour objectif de déterminer, sur un échantillon composé de personnes jeunes, d’âge moyen et âgées, les dimensions de la douleur associée aux interventions médicales et celles liées aux maladies et aux accidents. 573 adultes, de 26 à 94 ans, participaient à l’étude. On leur a présenté (a) L’adaptation française du Fear Pain Questionnaire (FPQ) à 10 items augmenté de 19 autres items, (b) l’adaptation française des 6 items « maladie » du FPQ original augmenté de 49 autres items et (c) le questionnaire Exposition à des situations douloureuses. Concernant la peur des interventions médicales, une structure à 4 facteurs a été trouvée : Examen et soins, Injections, Soins dentaires et Gestes invasifs. Les participants les plus âgés et les moins instruits avaient tendance à avoir plus peur des interventions invasives que les personnes plus jeunes et plus éduquées. Concernant la peur de la douleur associée aux maladies, une structure à 8 facteurs a été trouvée : Affections mineures, Crampes, Infections et abcès, Inflammation articulaire, Coliques, Fractures, Lésions organiques, Cancer et Maladie terminale. Les personnes plus âgées avaient tendance à avoir plus peur de la douleur associée aux affections mineures, aux inflammations articulaires, aux fractures, aux coliques et aux crampes que les personnes plus jeunes. Une première exposition à la douleur avait pour conséquence une baisse nette de la peur de la douleur liée à la plupart des interventions médicales, particulièrement les Gestes invasifs et les piqûres.

Introduction
Un FPQ destiné à détecter une peur excessive de la douleur chez les patients a été créé. Cet outil comporte 30 éléments. Il est composé de 3 sous-échelles : Douleur sévère (ex. brûlure de cigarette au visage), Douleur mineure (ex. se mordre la langue en mangeant) et Douleur médicale (ex. prise d’un échantillon sanguin via une aiguille hypodermique). Des analyses exploratoires et des analyses factorielles de confirmation menées sur des échantillons d’étudiants du premier cycle, d’adultes et de personnes âgées, ont montré que ces trois facteurs, bien qu’ils soient corrélés, sont assez indépendants (Albaret et al., 2004, Osman et al., 2002)
La première partie de l’étude visait à déterminer une structure plus complexe des facteurs de peur de la douleur en utilisant un jeu plus étendu de procédures médicales que celui offert par le FPQ. La deuxième partie avait le même objectif, mais associé à la peur de la douleur infligée par divers types de maladies ou d’accidents. 
Enfin, il s’agissait d’examiner la relation entre l’exposition à une situation d’intervention médicale spécifique et à situation pathologique spécifique, et la peur de la douleur associée à la situation. Les études conduites dans le cadre expérimental ont montré qu’une exposition imaginaire ou réelle à la douleur diminue généralement la peur de la douleur (Linton et al., 2002).
En se fondant sur des découvertes antérieures faites dans conditions naturelles (Albaret et al., 2004), les auteurs ont émis les hypothèses suivantes : 1/ concernant la peur de la douleur associée aux procédures médicales, l’exposition à la douleur devrait globalement aboutir à une diminution importante de la peur de la douleur dans tous les cas où un nombre suffisant de personnes ont été exposées ; 2/ concernant la peur de la douleur associée à la maladie, l’exposition à la douleur devrait aussi provoquer une diminution de la peur de la douleur, mais à un degré plus restreint. Cela est dû au fait que la douleur liée aux procédures médicales est généralement modérée et que la peur est peut-être plus celle de la procédure que celle de la douleur elle-même. Par comparaison, la peur liée à la maladie peut être intense (par ex. des coliques néphrétiques). Comme elle n’est associée à aucune procédure externe, cette peur-là ne peut pas facilement décroître par suite d’une première exposition.
Méthode
Participants : L’âge moyen des participants était de 48,65 ans. Sur les 573 participants, 193 avaient un niveau d’études primaires, 177 un niveau secondaire, et 203 étaient dotés d’un diplôme universitaire. L’échantillon se répartissait en 4 groupes d’âge : 133 jeunes adultes (de 26 à 30 ans - 74 femmes et 59 hommes), 162 adultes (de 31 à 45 ans - 93 femmes et 69 hommes), 152 participants d’âge moyen (de 45 à 65 ans - 103 femmes et 49 hommes) et 126 personnes âgées (de 66 à 94 ans, 81 femmes et 45 hommes).
Matériel : Outre le FPQ adapté, un questionnaire « Exposition à des situations douloureuses »a été créé, contenant les mêmes items que le FPQ augmenté d’autres items. La différence avec les deux questionnaires du FPQ était qu’on demandait aux participants d’entourer toutes les situations douloureuses qu’ils avaient vécues dans le passé. La réponse était de type oui/non (variable binaire).
Résultats
Peur de la douleur associée aux interventions médicales 
Une analyse factorielle exploratoire a été faite sur l’ensemble des items à deux exceptions près, et sur la 1ère moitié de l’échantillon. Une solution à 4 facteurs a été sélectionnée et soumise à une rotation VARIMAX.
Le premier facteur comportait 13 items (16 % de la variance) et se nommait Gestes invasifs. Les items chargés étaient notamment : Endoscopie, Chimiothérapie. Le deuxième comportait 5 items (15 % de la variance) et se nommait Injections. Les items chargés étaient par exemple : Prise de sang à l’aide d’une seringue hypodermique, Injection dans le dos avec une seringue hypodermique. Le troisième comportait 5 items (14 % de la variance) et se nommait Examens et soins. Les items chargés étaient par exemple Désinfection d’une plaie à l’alcool. Le quatrième comportait 4 items (12 % de la variance) et se nommait Soins dentaires. Les items chargés étaient Extraction d’une dent, Injection dans la bouche, par exemple. 
Après une analyse factorielle de confirmation, une série de 4 scores a été calculé en faisant la moyenne des scores des 4 items correspondants. Les scores moyens allaient de 1,59 (Examens et soins) à 2,01 (Injections), à 3,87 (Soins dentaires) et 5,71 (Gestes invasifs).
Concernant les effets de l’âge et du sexe sur les scores, il a été constaté que la peur des gestes invasifs augmentait avec l’âge. 
Une analyse de covariance a été effectuée avec le niveau de scolarité comme variable indépendante et l’âge et le sexe comme covariable. Plus les participants étaient éduqués, moins ils craignaient les gestes invasifs.
Peur de la douleur associée à la maladie et aux accidents
Une analyse factorielle exploratoire a été faite sur l’ensemble des items, à une exception près, et sur les données de la première moitié de l’échantillon. Une solution à 8 facteurs a été sélectionnée et soumise à une rotation VARIMAX.
Le premier facteur comportait 11 items (11 % de la variance) et se nommait Affections mineures. Les items chargés étaient par exemple : Toux violente et Forte diarrhée. Le deuxième facteur comportait 4 items (7 % de la variance) et se nommait Cancer et maladies terminales. Les items chargés étaient notamment : Douleur liée au cancer des os. Le troisième facteur comportait 4 items (7 % de la variance) et se nommait Inflammations articulaires. Les items chargés étaient par exemple Crise d’ostéoarthrose et Arthrite. Le quatrième facteur comportait 7 items (9 % de la variance) et se nommait Infections et abcès. Les items chargés étaient par exemple Oreillons ou Panaris. Le cinquième facteur comportait 9 items (10 % de la variance) et se nommait Fractures. Les items chargés étaient notamment Se casser la jambe. Le sixième facteur comportait 5 items (7 % de la variance) et se nommait Lésions organiques. Les items chargés étaient notamment Péritonite et Gangrène du pied et de la jambe. Le septième facteur comportait 6 items (7 % de la variance) et se nommait Coliques. Les items chargés étaient par exemple Colique néphrétique. Le huitième facteur comportait 7 items (7 % de la variance) et se nommait Crampes. Les items chargés étaient notamment Crampes d’estomac.
Une analyse factorielle de confirmation a été effectuée sur les données de la deuxième moitié de l’échantillon. Une série de scores à 8 facteurs a été calculée en faisant la moyenne des scores des trois à six items correspondants. Les scores moyens allaient de 2,44 (Affections mineures) à 8,52 (Cancer et maladies terminales).
Les effets de l’âge et du sexe sur les scores à 8 facteurs ont été comme suit : peur de la douleur associée aux affections mineures (F = 22,43, p < 0,001), la peur associée à l’inflammation articulaire (F = 5,57, p < 0,001), celle liée aux fractures (surtout dans le groupe personnes âgées) (F = 13,29, p < 0,001 , la peur associée aux coliques (F ) 27,05, p < 0,001) et celle liée aux crampes (F = 18,51 p < 0,001). 
Une série de 8 analyses de covariance a aussi été effectuée, le niveau de scolarisation étant le variable indépendante, l’âge et le sexe étant la covariable. Plus les patients avaient un niveau de scolarisation élevé, moins ils craignaient la douleur associée aux affections mineures.
Effets sur la peur de la douleur d’une première exposition 
Les scores des participants qui avaient déclaré avoir vécu la situation douloureuse concernée et ceux qui ne l’avaient jamais vécue ont été comparés. Une série d’analyses de covariance a été menée.
Concernant les 29 items Peur des interventions médicales, dans 27 cas, au moins 5 % des participants avaient déjà ressenti la douleur associée à l’item. Dans 23 de ces 27 cas, le score des participants qui avaient une première expérience de la douleur était inférieur à celui de ceux qui ne l’avaient jamais ressentie. Dans 14 de ces 23 cas (61 %), le score était significatif (p = 0,01). 
Concernant les 55 items Peur des maladies, dans 45 cas, au moins 5 % des participants avaient déjà ressenti la douleur associée à l’item. Dans 31 de ces 45 cas, le score des participants qui avaient déjà ressenti la douleur était inférieur à celui de ceux qui ne l’avaient jamais ressentie. Dans 5 de ces 31 cas, la différence était significative (p = 0,01). Dans l’un des cas (colique néphrétiques), le score était significativement plus élevé.
Conclusion
Cette étude a permis de montrer qu’il est possible d’attester des facteurs de peur de la douleur plus spécifiques que ceux qui avaient été présentés dans les études précédentes utilisant le FPQ, surtout dans le domaine des maladies et des accidents. Certains de ces facteurs spécifiques étaient très liés, mais les analyses structurelles ont montré que c’étaient des entités séparables. L’utilisation du FPQ peut donc être complétée par l’emploi de sous-échelles spécifiques de mesure de la peur de la douleur, par exemple, ici, une sous-échelle relative aux gestes invasifs. 
Les personnes plus âgées avaient tendance à avoir plus peur de la douleur associée aux affections mineures, aux inflammations articulaires, aux fractures, aux coliques et aux crampes que les personnes plus jeunes. Une première exposition à la douleur avait pour conséquence une baisse nette de la peur de la douleur liée à la plupart des interventions médicales, particulièrement les Gestes invasifs et les piqûres
Traduction et Synthèse réalisées par Odile Perrin et Ricardo Carbajal - CNRD

Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur
Unité Douleur, Hôpital d'enfants Armand Trousseau 
26, av du Dr Arnold Netter - 75012 Paris 
Tél : 01.44.73.54.21 - Fax : 01.44.73.54.22

No comments:

Post a Comment