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Sunday, May 19, 2013

La prévention et le traitement des séquelles thérapeutiques après cancer du sein


La prévention et le traitement des séquelles après traitement d'un cancer du sein doivent prendre une part croissante dans les stratégies de prise en charge. En effet, les cancers du sein sont fréquents (33 000 cas / an en France) et, souvent dépistés ou diagnostiqués précocement, ils permettent d'observer alors une survie satisfaisante de 80 à 90% à 10 ans. La survenue de séquelles après le traitement doit entrer en compte dans l'analyse des résultats globaux, ce d'autant que les patientes guéries vont rester longtemps pénalisées par l'existence de ces séquelles.
Le lymphoedème est la complication tardive la plus redoutée par les patientes, mais il est devenu assez rare, tout au moins pour ce qui est de l'historique gros bras. D'autres séquelles, moins appréhendées par les patientes car moins connues, sont plus souvent observées.
La survenue d'une séquelle peut être parfois la conséquence d'un moyen de traitement, mais c'est souvent l'association de plusieurs traitements qui est en cause. L'intrication entre les conséquences des différents traitements est fréquente. Ainsi, les séquelles psychologiques dépendent à l'évidence du résultat fonctionnel et cosmétique, de l'existence de douleurs, des implications sexuelles du ou des traitements appliqués, du retentissement socioprofessionnel de la maladie et des traitements.

Les séquelles esthétiques

Le retentissement cosmétique et ses conséquences pour la patiente après traitement d'un cancer du sein sont la raison première de l'évolution des traitements, avec une tendance observée à la désescalade des traitements chirurgicaux, intervention de Halstedt qui n'est plus pratiquée, intervention de Madden ­ Patey encore nécessaire dans environ un tiers des cas, traitements conservateurs aujourd'hui tout à fait validés.
Les traitements conservateurs ne répondent pas toujours à un objectif de conservation de l'esthétique du sein, d'autant que le résultat objectif n'est pas parallèle à l'appréciation subjective ressentie et exprimée par la patiente.
Les conséquences défavorables et les séquelles peuvent être multiples, souvent secondaires à la chirurgie : cicatrice inesthétique, diminution du volume, altération du galbe, fibrose sous cicatricielle ou du lit tumoral remodelé après exérèse, asymétrie du sein avec asymétrie aréolaire. Certaines anomalies sont liées à l'irradiation : télangiectasies, peau épaissie et dyschromique ou, au contraire, peau atrophique, perte de souplesse et au maximum induration et fixité du sein avec une dystrophie glandulaire associant fibrose et cytostéatonécrose post-radiques.
La prévention de ces anomalies nécessite de se conformer à certaines modalités de traitement pour que soit respecté le double impératif de la conservation du sein et de la conservation d'une esthétique acceptable du sein conservé. Plus que la taille de la tumeur, c'est le rapport entre la taille du sein et la taille de la tumeur qui doit intervenir dans l'indication de conservation. La qualité souhaitée du résultat esthétique ne doit pas amener à réduire la sécurité cancérologique de l'exérèse : une marge de sécurité doit être respectée autour de la tumeur dans les 3 plans de l'espace. Aussi, en pratique, au-delà de 30 mm de diamètre tumoral clinique, le résultat de la conservation est souvent médiocre, sauf dans un sein volumineux. L'incision pratiquée intervient dans le résultat : l'incision doit être radiaire, parfois sous-mammaire, dans les quadrants inférieurs, radiaire ou latérale externe dans le quadrant supéro-externe, péri-aréolaire parfois élargie dans le quadrant supéro-interne. L'incision de l'évidemment axillaire doit être séparée. L'irradiation aux doses habituelles (50 à 60 Grays en fractions de 2 Grays 5 fois par semaine) semble bien tolérée et entraîner peu de remaniement de l'esthétique du sein. Il faut rappeler que l'aisselle évidée ne doit pas être irradiée.
Prévenir les séquelles esthétiques, c'est aussi informer la patiente de la possibilité et des modalités ultérieures de reconstruction mammaire, en présentant les différentes techniques, et en incitant les patientes à se faire reconstruire. Les bons résultats observés actuellement avec les reconstructions mammaires immédiates pour les cancers in situ pourraient peut être amener à évaluer ces techniques également pour les lésions infiltrantes.
Le traitement des conséquences esthétiques à distance de la phase initiale de traitement reste difficile, si l'on excepte la correction d'une cicatrice hypertrophique ou d'un bourrelet axillaire, et bien entendu la reconstruction mammaire après chirurgie en zone non irradiée. La difficulté réside dans la correction d'un traitement conservateur avec un mauvais résultat, en terrain irradié, rendant aléatoire les possibilités de cicatrisation. Des asymétries mammaires marquées peuvent être améliorées par apport musculocutané côté opéré et/ou par correction et symétrisation du sein controlatéral. Certaines radionécroses consécutives à des irradiations anciennes peuvent imposer un geste d'exérèse large avec apport tissulaire (lambeau de grand épiploon, lambeau de grand dorsal musculo-cutané).
Les séquelles fonctionnelles

Les séquelles observées peuvent être motrices, sensitives ou les deux.
Les règles hygiéno-diététiques pour la prévention du lymphoedème que l'on doit proposer après le traitement (livret d'information) et répéter aux patientes lors de la surveillance, s'appliquent également à la prévention de ces troubles fonctionnels sensitivo-moteurs.
Fréquemment, les patientes rapportent une fatigabilité du membre supérieur, en fin de journée ou à l'effort, pouvant imposer des aménagements des conditions de travail. La mobilité de l'épaule peut être diminuée, surtout les mouvements en rétropulsion. Il est rare que soit observée une capsulite rétractile, de traitement difficile.
La prévention de ces troubles moteurs réside dans une rééducation post-opératoire, entreprise précocement, progressive, en privilégiant la rééducation active. L'apprentissage par la patiente de quelques mouvements simples est en principe suffisant.
Les troubles sensitifs et les douleurs ont été trop longtemps méconnus.
Après traitement d'un cancer du sein, des douleurs sont observées dans 10 à 60% des cas, selon les équipes et selon les modes de recueil et d'évaluation de la composante douleur. L'Association Internationale pour l'Étude de la Douleur a défini deux syndromes douloureux spécifiques dans ce contexte :
    • Le syndrome post dissection axillaire. La zone douloureuse est la face latérale du tronc, avec une irradiation vers la pointe de l'omoplate, s'étendant à la face interne du bras, jusqu'au pli du coude. La douleur est à type de décharge électrique, avec une zone gâchette et une hyperesthésie cutanée. Des troubles sympathiques peuvent être associés. On évoque une symptomatologie de désafférentation par section lors de l'évidement de l'aisselle de la branche perforante du 2ème nerf intercostal, avec interruption de l'anastomose au nerf accessoire du brachial cutané interne. Pour prévenir ce syndrome, une technique conservatrice de ce rameau nerveux est proposée.
    • Le syndrome du sein fantôme. Il peut être assimilé aux douleurs rapportées après amputation de membre. Son incidence serait élevée, de 10 à 50% des patientes.
    • Certaines douleurs ne relèvent pas de ces entités : douleurs cicatricielles, douleurs inflammatoires au niveau du sein traité liée à des remaniements fibreux et inflammatoires secondaires à la chirurgie et à la radiothérapie.
Pour prévenir l'apparition de ces douleurs, les algologues insistent sur l'information préalable et une prise en charge psychologique et psychosociale précoce pour permettre des stratégies préventives d'adaptation et d'ajustement au stress.
Le traitement nécessite souvent une consultation d'algologie pour traitement des douleurs neuropathiques et prise en charge psychologique. Les traitements associent antidépresseurs tricycliques (imipramine), anticonvulsivants (carbamazepine), électrostimulations cutanées, infiltrations des zones gâchettes avec des anesthésiques locaux. Un drainage lymphatique manuel doit être souvent associé, eu égard à la fréquence d'un lymphoedème infraclinique pouvant participer à la genèse des douleurs. Le médecin doit aussi réassurer la patiente en écartant une récidive à l'origine de ces douleurs, crainte majeure pour la patiente.
Les séquelles sexuelles

Les conséquences observées après traitement d'un cancer du sein sont multiples et sous-estimées par les thérapeutes. Il s'agit d'altérations du schéma corporel (modifications du sein, prise de poids), d'asthénie, d'une ménopause précoce (rôle de la chimiothérapie), d'une diminution de la fréquence des rapports sexuels (pour 23% des patientes dans une enquête).
Une contraception doit être envisagée chez certaines patientes (contraception mécanique, analogue de la LH-RH) ou la mise en place de clips tubaires chez les patientes ne désirant plus d'enfants.
Le souhait d'une grossesse est fréquent chez les patientes jeunes (8% des patientes de moins de 40 ans traitées pour cancer du sein auront une grossesse). Un délai semble raisonnable, 1 à 2 ans après un cancer de bon pronostic, 3 à 5 ans après un cancer de moins bon pronostic. Il n'y a pas d'interférence, la grossesse ne semble pas modifier l'évolution du cancer, et inversement.
Après traitement d'un cancer du sein, une reprise précoce de l'activité sexuelle doit être conseillée. En cas de difficultés liées à la survenue d'une ménopause précoce, la colpotrophine avec une action locale peut être prescrite. L'interdiction d'un traitement hormonal substitutif de la ménopause reste la règle. Dans certains cas particuliers, pour des patientes réellement handicapées par des troubles fonctionnels majeurs non contrôlables par des traitements non hormonaux, la question d'un THS "quand même" peut être abordée, après avoir exposé à la patiente l'ignorance quant à l'innocuité d'un tel traitement sur l'évolution du cancer. La mise en oeuvre d'un tel traitement supposerait un cancer guéri, avec un recul suffisant, un bilan de surveillance négatif, et le consentement écrit de la patiente sur les risques éventuels.
Les séquelles psychologiques

Les réactions psychologiques après traitement d'un cancer du sein sont diverses et réactionnelles, avec une composante anxiodépressive majeure. Les stratégies d'adaptation élaborées par les patientes restent imparfaitement connues et sous la dépendance de la personnalité antérieure au traitement, du soutien familial, social, et professionnel, du comportement de l'équipe médicale et paramédicale. Le stade de la maladie et le pronostic perçu par la patiente est essentiel.
Différentes attitudes lors du diagnostic et du traitement ont été décrites : passivité, contestation, déni, négation des possibilités de traitement, anxiété majeure.
La chirurgie est un élément important dans la genèse de ces troubles, avec un travail de deuil et de réparation de la blessure narcissique et de l'image de soi.
La radiothérapie entraîne une anxiété par peur des effets indésirables et par peur des appareils, avec le stress des séances répétées et des trajets, chez les patientes âgées.
La chimiothérapie a un retentissement psychologique important lié aux effets indésirables, notamment nausées, vomissements et alopécie. Une complication peut être le développement de nausées et de vomissements anticipatoires avec hallucinations olfactives et gustatives, persistant après la fin du traitement.
Dans tous les cas, une attitude de prévention de ces troubles peut diminuer leur fréquence : information complète et renouvelée adaptée à chaque patiente et délivrée par les différents intervenants. Tous ont un rôle : médecins traitants, spécialistes lors du diagnostic et du traitement, infirmières en consultation, en hospitalisation pour la chirurgie, en soins externes pour la chimiothérapie, manipulateurs en radiothérapie. L'intégration de psychologues dans les équipes de soin peut améliorer la prise en charge des patientes, en animant par exemple des groupes de paroles pour les patientes, et pour les équipes soignantes.
Dans certains cas, une prise en charge médicamenteuse est bénéfique avec antidépresseurs et anxiolytiques.
Les séquelles sociales

La réadaptation de la patiente nécessite de prendre en compte les conséquences sociales et professionnelles de la maladie. L'aide d'une assistante sociale travaillant de concert avec l'équipe de soins permet d'identifier et de souvent solutionner les difficultés pour les soins, les transports, les problèmes familiaux, la reprise du travail, les aides financières, les incompréhensions avec les organismes sociaux et administratifs. Les associations d'anciennes malades (Vivre comme Avant) ont aussi un rôle d'aide et d'accompagnement précieux.
La possibilité de survenue de ces conséquences des différents traitements pratiqués ne doit pas amener à sous traiter les patientes. Les séquelles restent compatibles avec une qualité de vie acceptable. Le résultat global après le traitement est d'autant meilleur que le cancer est diagnostiqué précocement et qu'une information honnête et adaptée est proposée. Cette information représente souvent la meilleure prévention, non des séquelles, mais de leur mauvaise acceptation par les patientes.
Références

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Bussières E, Barreau B, Stöckle E, Dilhuydy JM, Avril A, Faucher A, Thomas L, Durand M, Mauriac L, Dilhuydy MH, Le Treut A. Critères de non-conservation dans les cancers du sein... ou savoir ne pas conserver. J Le Sein 1995 ; 5 : 8-17.
Dixmérias F. L'analgésie préventive péri-opératoire diminue-t-elle l'incidence de la douleur post-opératoire et de la douleur séquellaire ? A propos des mastectomies avec curage ganglionnaire axillaire. Thèse Médecine, Bordeaux, 1995, n° 3045.
Lakdja F, Dixmerias-Iskandar F, Bussières E. Syndromes douloureux post-mastectomie. In : Giniès P, éd. Atlas de la Douleur : de la douleur imagée à la prescription commentée. Paris : LEN Médical et Laboratoire Houdé, 1999 : 85-88.
Standards, Options et Recommandations : Cancers du sein non métastatiques. Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer. Paris : Arnette Blackwell, 1996, vol. 3.

Journées Pyrénéennes de Gynécologie - Tarbes - 6 & 7 octobre 2000

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