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Saturday, May 18, 2013

L'asthénie chez le patient cancéreux en soins palliatifs


L'asthénie chez le patient cancéreux en soins palliatifs

Claire Garnier1, Marie-Laure Villard2 et Francesca Comandini3 
1 Médecin cancérologue, Institut Privé de Cancérologie, Grenoble
2 Praticien hospitalier, équipe mobile de soutien et de soins palliatifs, CHU de Grenoble
3 Psychologue, équipe mobile de soutien et de soins palliatifs, CHU de Grenoble

Marie-Laure Villard
CHU de Grenoble
F-38043 Grenoble
Tél. : +33 (0) 4 76 76 75 75

Résumé :
L’asthénie chez le patient cancéreux en soins palliatifs – Lors du 1er Colloque Alpin en Soins Palliatifs de l’arc alpin (Hautes-Alpes, Isère, les deux Savoie et Genève), l’asthénie chez le patient cancéreux en soins palliatifs a été abordée. L’évaluation de ce symptôme, sa prise en charge symptomatique, la place des érythropoïétines ainsi que les aspects psychologiques ont fait l’objet de trois communications retranscrites dans cet article.


Le contenu de l'article (page 1) :

Introduction     
    Symptôme très fréquent chez les patients cancéreux en soins palliatifs, l'asthénie retentit sur leur qualité de vie en limitant, voire en empêchant des activités physiques ou intellectuelles. Ce symptôme mérite de ce fait d'être mieux repéré, évalué et pris en charge. Quelle est la démarche d'évaluation de ce symptôme ? Quelle thérapeutique symptomatique est possible ? Ce sont les questions que nous avons choisi d'aborder, médecins et psychologue, devant le 1er Colloque Alpin de Soins Palliatifs du 12 mars 2004 à Grenoble. Plus particulièrement, une amphétamine, le méthylphénidate, a été étudiée dans le cadre de travaux de recherche en soins palliatifs pour tenter d'améliorer ce symptôme. Où en sommes-nous actuellement ? Et quelle est la place aujourd'hui des érythropoïétines dans la prise en charge de l'anémie chez les patients cancéreux en soins palliatifs ?
    D'autre part, nous avons souhaité aussi aborder les aspects psychologiques à partir d'entretiens où la question de la fatigue est évoquée par le patient. Comment l'aborde-t-il ?
    Comment pouvons-nous l'entendre ?     

Place du méthylphénidate dans la prise en charge de l'asthénie chez le patient cancéreux en soins palliatifs
    Marie Laure Villard 
    Le méthylphénidate appartient à la classe des amphétamines, dont le mécanisme d'action est l'augmentation de la Dopamine en stimulant sa libération pré-synaptique. En France, ce produit a l'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour « les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité chez l'enfant de plus de six ans, sans limite supérieure d'âge » [1]. Il est également utilisé comme antidépresseur aux Etats-Unis, chez la personne âgée présentant un syndrome dépressif résistant aux antidépresseurs classiques, avec un délai d'action plus rapide (8 jours) [2]. Enfin, le méthylphénidate a aussi un effet non-analeptique (= qui stimule la vigilance) et trouve de ce fait un intérêt pour lutter contre l'asthénie du patient cancéreux en soins palliatifs.
    En soins palliatifs, la présence d'une asthénie est très fréquente. Parmi les patients suivis en 2001 au centre hospitalier de Grenoble par l'équipe mobile de soutien et de soins palliatifs, 98 % présentent une asthénie [3]. C'est ainsi que nous avons mis en place une recherche sur l'utilisation du méthylphénidate des patients cancéreux en soins palliatifs afin d'élaborer une conduite à tenir (annexe 1). Ce travail est également issu d'un recueil collectif sur les pratiques professionnelles en soins palliatifs [4]. En premier lieu, l'asthénie est évaluée de la même façon que la douleur : intensité à l'aide de l'échelle visuelle analogique ou d'une échelle verbale simple, évaluation qualitative de la fatigue physique et mentale (tableau I). Puis une étiologie potentiellement curable est recherchée. Les étiologies de l'asthénie sont nombreuses et peuvent être regroupées en quatre domaines : liées au cancer ou à son traitement (anémie, déshydratation, cachexie, infection, douleur, nausées, vomissements, infection, etc.), liées aux thérapeutiques (chirurgie, radiothérapie, immuno-modulateur, chimiothérapie, opioïdes), liées à un symptôme émotionnel causé par le cancer et son traitement (stress, anxiété, dépression) et enfin liées à un syndrome d'immobilité et de déconditionnement [5].



    En l'absence de traitement étiologique possible, un traitement symptomatique peut alors être envisagé, sous réserve des possibilités. Il nous semble important que le concept d'approche globale pour ce syndrome multidimensionnel somato-psycho-social et spirituel soit expliqué au patient, ainsi que l'approche pluridisciplinaire. Des mesures de soulagement par des moyens non médicamenteux peuvent être mises en place (kinésithérapie par des mobilisations passives ou actives, en fonction du bilan établi par le masseur kinésithérapeute et de l'état du patient, exercices physiques adaptés, massage et relaxation, soutien et accompagnement).
    Le traitement symptomatique repose sur la corticothérapie et le méthylphénidate, en dehors des contre-indications (annexe 1). La corticothérapie nous semble garder la première indication du traitement symptomatique médicamenteux de l'asthénie car, bien que non validée, elle est néanmoins reconnue comme efficace. La posologie est de 0.5 mg/kg/24h équivalent prednisolone en cure courte pendant 10 jours. En cas d'amélioration de l'asthénie de plus de 30 %, elle est poursuivie par cure de 10 jours par mois, tant qu'elle garde une efficacité sur ce symptôme. La corticothérapie ne doit pas être administrée au long cours compte tenu des effets indésirables, notamment la faiblesse musculaire qui ne peut qu'aggraver l'asthénie. En l'absence d'amélioration et si le Karnofsky (annexe 2) est supérieur à 40 %, le méthylphénidate trouve là son indication. Il nous semble important de le proposer à des patients encore autonomes physiquement car ce psychoanaleptique peut entraîner un fort désir de se mobiliser. Dans le cas de difficultés à la marche, il peut se produire des chutes, sans parler de la frustration de ne plus pouvoir marcher. Si l'asthénie s'améliore plus de 30 % sous amphétamine, elle pourra être poursuivie à posologie constante pendant 4 semaines et arrêtée progressivement ou maintenue au long cours à titre compassionnel. Le méthylphénidate n'a pas l'AMM aujourd'hui dans cette indication, et ne peut être utilisé que dans le cadre d'une recherche. Une étude multicentrique régionale est actuellement en cours d'élaboration.
    Dans la littérature, on retrouve quelques études de tolérance et d'efficacité du méthylphénidate sur l'asthénie. Dans l'ensemble, il apparaît une relative bonne tolérance, ainsi qu'un effet bénéfique et rapide sur l'asthénie en quelques jours [6, 7, 8]. Cependant, ces études sont difficilement comparables entre elles car les posologies utilisées sont différentes et dans certaines études, des patients sont inclus malgré une étiologie éventuellement curable de leur asthénie (ex : anémie modérée). Ceci montre que la place du méthylphénidate dans la prise en charge de l'asthénie du patient cancéreux en soins palliatifs n'est pas encore établie, ni sa modalité d'administration.
    Mais, est-ce que l'asthénie doit toujours être traitée ? Ne faut-il pas aussi s'interroger sur le sens que ce symptôme peut prendre pour chaque patient ? Bien que très fréquente, peu de patients se plaignent spontanément d'une asthénie et c'est en les questionnant que l'on met en évidence ce symptôme.
    Quel sens la fatigue ressentie peut avoir pour chaque patient ? Certains vont beaucoup s'en plaindre, d'autres, bien que présente, ne souhaitent pas que l'on s'en occupe, considérant que ce n'est pas le problème, mais bien plutôt la maladie qui évolue. Faut-il proposer un traitement symptomatique à tous les patients asthéniques ? Probablement non, et nous avons encore du chemin à faire pour mieux entendre, évaluer et comprendre ce symptôme. 

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