Translate

Friday, December 12, 2014

Rapport Claeys/Leonetti : ni euthanasie, ni suicide assisté mais droit à une sédation profonde et continue

Paris, le vendredi 12 décembre 2014 –

 Il y a des mots dont l’absence résonne davantage que leur présence. Pendant toute la campagne électorale pour les présidentielles, François Hollande n’a jamais prononce le mot « euthanasie ». Aujourd’hui, recevant le rapport des députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) sur l’accompagnement de la fin de vie, il n’a pas plus choisi de nommer cette pratique. Il faut dire que le texte remis par les deux élus au chef de l’Etat n’en fait pas plus mention.

Sédation profonde et continue

Le consensus auquel sont parvenus les deux députés, qui connaissaient originellement des positions éloignées et qui surtout ont entendu de nombreuses personnes aux convictions particulièrement tranchées, préconise de ne pas autoriser dans notre pays le suicide assisté et l’euthanasie. « Je pense qu’à partir du moment où on lève un interdit, on ouvre la voie à de plus en plus de transgressions » a notamment commenté Jean Leonetti, dans une interview accordée à l’Obs. Des évolutions sont cependant proposées pour « permettre aux gens de partir doucement et sans souffrance » a encore expliqué le député. D’abord, les deux élus suggèrent d’autoriser la possibilité de mettre en œuvre une sédation profonde et continue. En pratique, cet endormissement réalisé grâce à des produits anesthésiants n’ayant pas pour but premier d’entraîner la mort (mais qui pourraient incidemment la provoquer) pourra être une réponse aux patients conscients atteints de douleurs  incurables et proches de la mort qui exprimeraient le souhait d’une fin différente. Cette sédation profonde et continue pourra également être mise en œuvre chez les sujets maintenus artificiellement en vie. Elle contribuera à faire évoluer les pratiques observées dans certains soins palliatifs, où les patients sous sédation, sont parfois « réveillés » afin que leur « consentement » à cette méthode puisse de nouveau être recueilli.

Force contraignante des directives anticipées

Autre évolution de la loi Leonetti préconisée par le rapport : donner aux directives anticipées une force contraignante, dont elles ne jouissent pas aujourd’hui. Selon les termes actuels de la loi, les équipes médicales doivent aujourd’hui se contenter de « tenir compte » de ces directives lorsqu’elles existent, au moment d’évoquer la situation d’un patient en fin de vie. Afin que la volonté des malades soit mieux entendue et respectée, Alain Claeys et Jean Leonetti jugent que les directives anticipées devraient dans l’avenir s’imposer aux praticiens. Reste à savoir si ce caractère nouveau entraînera davantage de Français à rédiger de telles directives (qui pourraient selon le vœu d’Alain Claeys et Jean Leonetti être connues grâce à la simple consultation de la carte vitale). De plus cette recommandation ne permet pas de répondre aux questions concernant la validité de ces directives dans le temps et en fonction des situations. Enfin, ce rapport, une nouvelle fois, insiste sur l’importance de développer dans notre pays la culture des soins palliatifs.

Des partisans de la légalisation de l’euthanasie déçus

Recevant ces propositions, le chef de l’Etat a indiqué que ces dernières allaient faire l’objet d’un débat sans vote à l’Assemblée nationale dès le mois de janvier. Les élus discuteront sur la base d’une « déclaration » établie par le gouvernement, qui outre les recommandations sur la sédation profonde et les directives anticipées, insistera également sur la mise en place d’un « enseignement spécifique » sur ce sujet au cours  des études médicales et paramédicales dès la rentrée 2015. Dans le sillage de ce débat, une proposition de loi devrait être déposée, sans qu’un calendrier précis n’ait été annoncé par François Hollande. Solennel et grave, ce dernier a rappelé que cette question constituait le « sujet le plus délicat, le plus lourd, le plus complexe ». « Le temps est venu (…). Mourir dans la dignité pour vivre pleinement sa vie : telle est aujourd’hui la volonté que le législateur mettra dans le droit de notre pays (…). Ce sera une grande avancée » a-t-il encore affirmé.
Une opinion que bien sûr ne partageront pas les partisans d’une légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté dans notre pays qui à maintes reprises ont déjà manifesté leur déception face à l’absence d’une loi allant dans ce sens. Pour les professionnels de santé, au contraire, les préconisations d’Alain Clayes et de Jean Leonetti pourraient être lues comme le fruit d’un consensus éclairé et intelligent qui contribuera à mieux répondre aux attentes des patients et de leurs proches.
Aurélie Haroche

No comments:

Post a Comment