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Saturday, July 19, 2014

Qui a dit : « Je sais que je ne voudrais pas prolonger ma vie de façon artificielle » ?

Desmond Tutu
Pretoria, le samedi 19 juillet 2014 – Tout débat législatif ou sociétal autour du suicide assisté entraîne systématiquement une réaction très hostile des représentants des religions et notamment de l’Eglise catholique. Dernier exemple en date : alors que les Lord britanniques examinaient hier une nouvelle proposition de loi visant à autoriser le suicide assisté (qui fait suite à de nombreuses autres ces dernières décennies qui toutes ont été rejetées), la communauté catholique et anglicane s’est fortement mobilisée pour dénoncer ce texte. Cette levée de boucliers des dignitaires religieux est cependant loin de refléter le sentiment partagé par les catholiques, qui, selon les sondages, sont comme le reste de la population, une majorité à se déclarer favorable à l’euthanasie ou au suicide assisté.

Le coût de la fin de vie

Aujourd’hui, ces derniers pourraient se sentir confortés par les déclarations de plusieurs grandes figures de la religion chrétienne. Ainsi, dans les colonnes de The Observer le week-end dernier, le révérend anglican sud-africain Desmond Tutu qui fut très proche de Nelson Mandela a déclaré sans nuances : « Certains pensent que les soins palliatifs suffisent à assurer un passage facile vers la mort, alors que d'autres revendiquent au contraire le droit de rester autonomes et conscients jusqu'à la fin, aux côtés de leurs proches, au lieu de partir dans un brouillard de sédatifs. Personnellement, je sais que je ne voudrais pas prolonger ma vie de façon artificielle, car quelle qualité de vie a-t-on quand on a besoin d'une machine pour respirer, et pourquoi dépenser de l'argent à prolonger des vies qui se terminent quand on pourrait plutôt l'utiliser pour aider une mère à donner naissance ou pour un transplant d'organe chez un jeune ? ». De tels propos vont à l’encontre de certains des fondements théologiques mis en avant par les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté, qui rappellent que l’on ne peut décider de l’instant de sa mort. Par ailleurs, on observe que dans les pays en voie de développement, la question de la fin de vie peut-être abordée du point de vue de la question des coûts, un aspect plus souvent passé sous silence dans les états les plus riches. Cependant, il semble que Desmond Tutu établisse une différence entre l’euthanasie et le suicide assisté ; cette dernière pratique semblant être plus certainement concevable au regard des préceptes religieux qu’il défend. Il ajoute en effet : « Les êtres humains devraient avoir le droit de mourir de façon décente et, pour moi, cela signifie être capable d'avoir une conversation avec ceux qui ont croisé mon chemin et pouvoir dire au revoir à ceux que j'aime, si possible à la maison. Et, oui, j'entends bien que beaucoup de gens m'en voudraient de faire le choix d'un suicide assisté, mais je leur répondrais que c'est l’option qui me convient ».

« Dieu est pour la liberté »

Ces propos ont profondément marqué l’ensemble de la communauté anglicane à travers le monde, d’autant plus qu’ils font écho à d’autres déclarations similaires. Ainsi, en marge du débat à l’assemblée des Lords, Lord Carey, qui fut archevêque de Cantorbéry entre 1991 et 2002 confessa qu’il avait changé d’avis sur le sujet et que son opposition farouche avait laissé place à une prise de conscience plus aiguë du poids des « souffrances inutiles ». L’Eglise anglicane, qui en d’autres occasions (comme très récemment l’ordination des femmes) a déjà pu marquer sa différence (et sa liberté) par rapport à d’autres églises n’est pour autant pas la seule à voir émerger de telles prises de positions. Une religieuse ursuline du canton du Valais, Sœur Marie-Rose Genoud, connue en Suisse en raison de son combat en faveur des demandeurs d’asile (qui lui valut notamment d’être saluée du Prix Courage en 2009) s’est également exprimée en faveur du suicide assisté au début du mois de juillet. Dans l’hebdomadaire Schweiz am Sonntag, elle a ainsi affirmé soutenir « toute personne qui, après mûre réflexion et en toute connaissance de cause, choisit de mettre fin à sa vie », observant encore « Dieu est pour la liberté ». Si une partie de sa hiérarchie catholique a rapidement désavoué ses propos,  le porte-parole de la Conférence des évêques suisses, Simon Spengler s’est montré moins catégorique notant qu’il « s'agit d'une position nouvelle au sein de l'Eglise. Bien que je ne la partage pas, elle montre qu'un débat sur le sujet est nécessaire, également à l'intérieur de l'Eglise ». Autant de déclarations qui mettent en effet en évidence à quel point ces interrogations autour de l’accompagnement de la fin de vie sont capables de dépasser tous les clivages, sans exception.
Aurélie Haroche

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