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Thursday, September 25, 2014

Dépistage systématique du cancer du sein après 70 ans : un mauvais scenario ?

La question de l’intérêt du dépistage systématique du cancer du sein continue d’alimenter la littérature scientifique. Cette fois c’est une étude néerlandaise qui relance le sujet, en ciblant le dépistage des femmes de plus de 70 ans. En effet, si le doute est encore permis pour le dépistage systématique des femmes de 50 à 69 ans, il l’est encore plus pour les plus âgées. Aucune preuve formelle n’existe en effet de l’effet bénéfique du dépistage dans cette classe d’âge, les essais randomisés excluant le plus souvent les femmes de plus de 60 ans et les études observationnelles basées sur le taux de mortalité sont sujettes à de nombreux biais spécifiques à cette classe d’âge.
Suivre l’évolution de l’incidence des cancers dépistés à un stade avancé avant et après la mise en place du dépistage peut être une autre façon d’évaluer l’efficacité de celui-ci. C’est cette méthode de comparaison qu’a choisie l’équipe néerlandaise. En Hollande, le dépistage systématique du cancer du sein n’a été étendu aux femmes de 69 à 75 ans qu’à partir de 1998. Les auteurs ont confronté l’incidence des cancers  dépistés à un stade précoce (I, II ou carcinome in situ) et celle des cancers de stade évolué (III et IV) avant et après l’extension du dépistage aux femmes de plus de 69 ans.
Sans surprise, l’incidence des tumeurs à un stade précoce s’élève significativement après la mise en place de l’extension du dépistage aux femmes de 69 à 75 ans. Entre 1995 et 2011 (n = 25 414), elle augmente en effet de près de 50 %, passant de 248,7 cas pour 100 000 femmes avant le dépistage systématique à 362,9 cas pour 100 000 après (Incidence Rate Ratio [IRR] 1,46, intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,40 à 1,52, p < 0,001). Mais cette augmentation des stades précoces ne se traduit pas par une réduction équivalente de l’incidence des formes avancées, qui n’est réduite que d’un peu plus de 10 %, passant de 58,6 cas pour 100 000 à 51,8 pour 100 000 (IRR 0,88 ; IC 0,81 à 0,97). Les auteurs estiment que pour chaque tumeur à un stade avancé évitée par le dépistage, près de 20 tumeurs à un stade précoce sont dépistées « en excès » (114,2 tumeurs précoces en plus pour 6,8 tumeurs évoluées en moins).
En 2009, Esserman et coll. proposaient 3 scenarii possibles après la mise en place d’un dépistage systématique. Dans le scenario idéal, l’incidence des cancers dépistés à un stade précoce augmente, tandis que se réduit dans une même mesure celle des cancers dépistés à un stade avancé, le nombre total de cancers restant identique. Dans le pire des scenarios, l’incidence des cancers de stade précoce augmente sans que diminue celle des stades avancés. Le 3ème scenario se situant entre les deux.
Nous sommes ici dans ce 3ème scénario selon Esserman, le scenario intermédiaire, avec une augmentation de 50 % des cancers à un stade précoce et une faible réduction des cancers à un stade évolué, laissant suspecter un nombre important de surdiagnostics. La réduction des cancers dépistés à un stade avancé est tellement modeste que les auteurs estiment même que le pire scenario est évité de justesse.
Dr Roseline Péluchon
Références
de Glas N.A. et coll. : Effect of implementation of the mass breast cancer screening programme in older women in the Netherlands: population based study
BMJ 2014; 349 :g5410.

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