Publié le 22/01/2014
Et si on parlait vraiment de la fin de vie ?
Paris, le mercredi 22 janvier 2014 –
Peut-être à cause du tabou
persistant autour de la mort, peut-être parce que le chef de l’Etat
lui-même ne prononce jamais le mot, nous ne parlons pas en France
d’euthanasie, mais de « laisser mourir » (puisque c’est ce
que permet la loi Leonetti) ou encore « d’accompagnement de la
fin de vie ». Ce glissement sémantique semble à l’origine d’un
phénomène dommageable : de la fin de vie, de la façon dont en
France nous finissons notre existence, nous passons nos derniers
jours, il n’est pas vraiment question, puisque nous nous focalisons
uniquement sur la façon dont nous passons de vie à trépas. Créé en
2010, l’Observatoire national de la fin de vie a tenté de remédier
à cette lacune en proposant par exemple plusieurs enquêtes sur
l’accueil dans les maisons de retraite.
Le droit de choisir où l’on vit n’existe plus pour les personnes âgées
Dans son rapport annuel remis hier aux ministres de la Santé et
des Personnes âgées, l’Observatoire fidèle à sa mission s’intéresse
aux plus âgés d’entre nous. Il constate ainsi qu’il existe une
profonde dénégation de la volonté des personnes âgées. Ainsi, les
trois quart de celles qui résident dans une maison de retraite ne
l’ont pas choisi. « Il faut faire du respect des droits des
personnes âgées une priorité : le droit de choisir leur lieu de
vie, le droit de choisir d’arrêter les traitements, le droit de
rester à leur domicile si elles le souhaitent, et le droit
d’exprimer leurs souhaits par avance, en particulier lorsqu’elles
sont atteintes de la maladie d’Alzheimer » insiste
l’Observatoire dans un communiqué. Plus généralement, l’institution
appelle à une évolution de notre « vision (…) du grand âge
».
Seules 15 % des maisons de retraite comptent une infirmière de nuit
Bien sûr, le rapport s’intéresse également à la mort de nos
aïeux. Il réitère un constat fait en septembre à l’issue d’une
enquête conduite dans les EHPAD : trop souvent encore, les
résidents sont envoyés aux urgences où ils meurent sans bénéficier
d’un accompagnement adapté. La raison de ce phénomène s’explique
notamment par la trop faible présence d’infirmières de nuit dans
les maisons de retraite : c’est le cas dans plus de 85 % des
établissements. Ainsi, lorsque l’état de santé d’un patient se
dégrade en l’absence des infirmières, les aides-soignantes sont
incapables de mettre en place un protocole de soulagement de la
douleur qui aurait été décidé avant avec les praticiens et n’ont
qu’une seule option : transférer le malade aux urgences. Pour
l’Observatoire de la fin de vie, la présence d’une infirmière dans
tous les EHPAD chaque nuit permettrait d’éviter « 18 000
hospitalisations en fin de vie ». Aussi, en fait-il la première de
ses recommandations en suggérant la possibilité de «
mutualiser » les infirmières dans les établissements
proches.
La mort des vieux : un naufrage social !
Neuf autres propositions concernent notamment une plus grande
implication des équipes mobiles de soins palliatifs dans les EHPAD,
la création d’un module « accompagnement de la fin de vie
» qui devrait être obligatoirement suivi par les médecins
travaillant dans ces établissements, l’amélioration de la
formation des aides à domicile à ces questions ou encore la
rédaction de recommandations en vue d’un meilleur repérage des
situations de fin de vie à domicile afin d’éviter certaines
hospitalisations et de permettre à ceux qui le souhaitent de mourir
chez eux. L’ensemble de ces suggestions est destiné à éviter que la
fin de vie des personnes âgées ne devienne un « véritable
naufrage social ».
L’Académie de médecine veut participer au débat sur « l’euthanasie »
Si le rapport a été remis au ministre de la Santé, ce n’est pas
principalement sur ces propositions qu’elle se sera exprimée hier,
à l’occasion de ses vœux. Elle aura plus certainement évoqué
l’affaire Vincent Lambert, soulignant notamment que si l’épouse de
ce dernier formait un recours devant le Conseil d’Etat de la
décision prise par le tribunal de Châlons-en-Champagne la semaine
dernière, le CHU s’engagerait à ses côtés dans cette action. Il
s’agirait cependant prioritairement de lui apporter un soutien
moral et de disposer d’une « jurisprudence » et non pas de
défendre une position a-t-elle précisé. Le ministre a par ailleurs
indiqué qu’un projet de loi sur l’accompagnement de la fin de vie
serait présenté en Conseil des ministres d’ici l’été, à l’issue des
différentes consultations engagées. Soulignons à cet égard, qu’hier
l’Académie de médecine a une nouvelle fois estimé que de nouvelles
dispositions législatives sur ce thème ne lui apparaissaient pas
nécessaires, la loi Leonetti suffisant selon elle. Elle a par
ailleurs rappelé qu’elle souhaitait être impliquée dans ce débat.
Concernant le cas de Vincent Lambert, elle a jugé que cette affaire
mettait tout particulièrement en évidence l’importance de faire
mieux connaître en France le dispositif des directives
anticipées.
Aurélie Haroche
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