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Tuesday, March 10, 2015

Fin de vie : débat périlleux à  l'Assemblée

Service de soins palliatifs dans un hôpital de l'agglomération parisiennne.
« Hypocrite », « dangereux », le texte de loi des députés Claeys (PS) et Leonetti (UMP) divise à gauche et à droite.
Dix ans après l'adoption de la loi Leonetti, l'Assemblée nationale s'apprête à revoir la législation sur la fin de vie dans un climat plus houleux que prévu. La nouvelle proposition de loi qui sera débattue à partir d'aujourd'hui a pourtant été rédigée par le duo de députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) «dans un esprit de rassemblement» à la demande de François Hollande.
Décidé à honorer son engagement de campagne en faveur d'une «assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité» et échaudé par les profondes divisions autour de la loi mariage pour tous, le chef de l'État a pris le temps de la consultation avant de mettre en œuvre cette nouvelle réforme sociétale sensible. De fait, ce nouveau texte de onze articles ne s'engage pas sur la voie très polémique de la légalisation de l'euthanasie ou du suicide assisté. Pour répondre au sentiment de «mal-mourir» exprimé par les Français, il entend donner plus de poids aux volontés des patients en fin de vie. Pour ce, les députés tablent sur un nouveau droit à «une sédation profonde et continue» pour les malades aux souffrances inapaisables en toute fin de vie et sur un meilleur respect des directives anticipées en les rendant contraignantes pour les médecins.
Malgré le soutien du Conseil national de l'ordre des médecins et la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, ces propositions sont déjà vivement critiquées. Jugé «hypocrite» par les militants d'un «droit à mourir dans la dignité», le texte de Jean Leonetti et Alain Claeys est taxé de «dangereux» par les partisans du statu quo, inquiets d'une «dérive euthanasique». Lundi, cinq responsables religieux représentants des trois grandes religions monothéistes, dont le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, Haïm Korsia, grand rabbin de France, et Mohammed Moussaoui, président de l'Union des mosquées de France et président d'honneur du CFCM, ont lancé dans Le Monde un appel contre «la tentation de donner la mort, sans l'avouer, en abusant de la sédation».
Dans l'hémicycle, le texte a beau être soutenu par le gros des troupes de l'UMP et une partie du PS, par l'UDI et le Front de gauche, la troupe des mécontents a grossi à l'approche du débat en séance. Ainsi, près de 120 députés PS ont signé un amendement pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté, rédigé par les députés socialistes Jean-Louis Touraine et Philip Cordery. Un chiffre assez conséquent pour briser le consensus souhaité par François Hollande et qui illustre la fracture du PS sur la question. Parmi les «frondeurs» de l'euthanasie,Carlos Da Silva, suppléant de Manuel Valls,Sandrine Mazetier, vice-présidente de l'Assemblée, ou Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

«Assistance médicalisée active à mourir»

Cet amendement propose que tous les patients «en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable», puissent demander «une assistance médicalisée active à mourir». Très impliqués sur ce sujet, les écologistes et les radicaux de gauche défendent un amendement similaire. «J'ai également déposé un amendement “de repli” sur le suicide assisté, une pratique qui pose moins de problèmes aux députés», précise la députée écologiste Véronique Massoneau, qui voit dans ce nouveau débat une étape avant que la France ne suive l'exemple belge ou suisse. Cette mobilisation inquiète-t-elle les auteurs du texte? «C'est serré, reconnaît-on dans l'entourage de Jean Leonetti. Si un amendement sur l'aide active à mourir passe, ce serait un affront à François Hollande, qui a fait sienne la proposition.»
Du côté des inquiets, une vingtaine de députés UMP de l'Entente parlementaire pour la famille comptent bien ferrailler sur le texte. En première ligne contre la loi mariage pour tous, ce groupe de travail conservateur a déposé quelque 1000  amendements. Son objectif: «lever ses ambiguïtés,notamment sur la sédation», et rappeler la nécessité de développer les soins palliatifs - auxquels 80 % des Français n'ont pas accès, a indiqué le Comité consultatif national d'éthique fin 2014. Sans le déploiement d'un nouveau plan «soins palliatifs», Jean Leonetti comme Alain Claeys estiment d'ailleurs que la nouvelle loi serait mise en échec.
Mardi, le combat se jouera aussi à l'extérieur de l'hémicycle. L'ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité), opposée à une nouvelle loi Leonetti «hypocrite et inhumaine», organise un rassemblement près de l'Assemblée. Le mouvement Soulager mais pas tuer réunit de son côté ses troupes aux Invalides pour dénoncer une proposition de loi «dangereuse et ambiguë».

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