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Thursday, August 29, 2013

Des urgences aux arbres, le savoir est composé d’histoires

Gilbert Zulian 

Médecin, Genève, Suisse Correspondance : Gilbert.Zulian@hcuge.ch

Lieu de cauchemars pour certains, havre d’espoir pour d’autres, cour des miracles pour quelques-uns, les services d’urgences – et parfois d’accueil aussi – cristallisent les imaginations, décuplent les énergies et révèlent le jusqu’alors non visible ; ici, on maintient coûte que coûte le fil de la vie, le rythme de la respiration et celui du cœur, on se réjouit, on s’émeut ; là, on attend que la flamme s’éteigne, on se résigne, on pleure, on crie aussi. S’il est un espace, un volume, qui résume notre société, c’est peut-être là qu’il faut se rendre pour l’observer avec l’admiration qu’il mérite et l’humilité dont il sait faire preuve. Ces services, en même temps, constituent souvent la porte d’entrée obligatoire vers les soins que chacune et chacun méritent de recevoir ; c’est précisément là, dans celui de Dreux, que nous emmènent Anne, Eric et Claude pour nous démontrer que la démarche palliative, celle du palliativiste, peut aussi convenir à l’urgentiste lorsque des rapports de confiance mutuelle sont établis, que l’environnement s’y prête et que l’esprit de collaboration n’est pas qu’un amalgame de vains mots.

2 Savoir, un peu, beaucoup, (pas du) tout, connaître le moment de la fin, être prêt à l’ultime affrontement, celui dont on ne reviendra pas, et cela parce que la Loi des hommes le veut ainsi. Oui, en effet, c’est un droit, le droit à l’information. Mais, de l’autre côté du gué, ohé, ohé, le devoir d’informer ne peut-il consentir à laisser s’exprimer la liberté d’ignorer ?
 Savoir qu’on ne veut rien savoir du tout – ou si peu – n’est-ce pas également l’expression d’une autonomie bien comprise ? 
Alors, subir – et non plus recevoir – une information non désirée se transforme soudainement en une action malfaisante ; pourtant, l’intention de bien faire présidait au dialogue, fondateur lui de la relation singulière entre le médecin et le malade ; mais dialogue présuppose que l’on soit deux, le lecteur et Sophie par exemple qui nous entraîne au tréfonds d’un délicieux paradoxe de plus face à notre mortelle destinée.

3 Raconter des histoires constitue sans nul doute un lien avec autrui ainsi qu’avec soi-même et une manière bien humaine de partager des faits, des émotions et des sensations. Notre enfance en est parsemée, des belles, des joyeuses, des tristes, des qui font peur aussi. Souvenons-nous donc de Hansel et Gretel pour mieux plonger dans le ciel avec les montgolfières de Claire qui nous expose tous ces petits riens, au rythme du quotidien d’une équipe et des patients qui en constituent la raison d’être. L’étude de cas, l’histoire d’une femme, celle d’un homme, ne s’inscrivent bien sûr pas dans une démarche statistique randomisée (en double aveugle s’entend), elles en représentent toutefois l’élément primordial avec lequel construire le projet qui chaque jour fait poindre la lueur et qui chaque soir l’éteint pour lui permettre – mais pas toujours, on le sait bien – de mieux renaître le lendemain.

4 Parmi les arbres, il en est un, c’est l’olivier qui réunit en lui la richesse de la Terre et la longévité de la Vie ; il en est un autre, c’est le chêne, c’est celui de Tolkien et du Seigneur des Anneaux qui réunit en lui toute la force de la sagesse au point de presque dépasser le Créateur. En réalité, des arbres, il en est bien sûr d’innombrables et peut-être avez-vous même reçu le vôtre en forme de symbole et de continuité, planté au jardin ou en forêt par un ancêtre ému à peine aviez-vous vu le jour ? Qu’on ne s’y méprenne pas toutefois, l’épreuve des Trois Arbres fait appel au secret de chacune et de chacun ; elle a réussi le test du Temps, elle. Benoît nous l’offre et nous donne le moyen de pouvoir aussi nous projeter dans notre propre intérieur au moment de peut-être clore les yeux ou de les maintenir grands ouverts, juste encore un moment. Et les arbres, la Nature le démontre, ne sont jamais aussi beaux, jamais aussi opulents, jamais aussi admirés que dans les vieux cimetières.

5 Enfin, c’est avec délicatesse, retenue et émerveillement que Sylvie et Dominique témoignent en silence ; ils nous montrent comment le toucher vient doucement caresser l’âme et ils te feront pleurer, Lectrice et toi aussi Lecteur. Nous n’en serons donc que plus instruits.
 

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