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Wednesday, August 28, 2013

Des hôpitaux bafouent la loi euthanasie

SOUMOIS,FREDERIC
Page 8
Samedi 17 novembre 2012

Santé Les témoignages se multiplient sur le non-respect de la loi par certaines institutions

Dix ans après l’entrée en vigueur effective de la loi sur la dépénalisation partielle de l’euthanasie, l’organisation qui a principalement contribué à porter le débat sur la place publique, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), en fait le bilan. La loi actuelle est-elle satisfaisante, ou faut-il la modifier ? Ne risque-t-elle pas d’être amputée dans l’avenir ?
Ses responsables ont mené un vaste débat public cette semaine, en présence d’un grand nombre de praticiens, médecins généralistes ou hospitaliers. Certes, la loi semble plutôt globalement appliquée sans problèmes majeurs. Le « tsunami » d’euthanasies promis par certains n’a pas eu lieu. A l’inverse, les professionnels de la santé témoignent surtout d’une augmentation d’un refus de toute euthanasie par certains établissements hospitaliers. Concrètement, certains hôpitaux, parfois au sein de leur comité d’éthique, conviennent de ne jamais pratiquer d’euthanasie. Un médecin qui s’obstinerait à la pratiquer (et donc à appliquer la loi) se voit mis à l’écart. « Cela se fera sournoisement. On ne peut pas le punir officiellement, mais sa carrière sera en suspens, il subira des brimades », témoigne un chef de clinique d’un grand hôpital. D’autres témoignent de contrats de travail qui engagent explicitement le médecin à ne pas pratiquer de geste d’euthanasie.
Ce qui aboutit à des situations dramatiques pour les patients. « Je dirige une unité ambulatoire de soins palliatifs dans un grand hôpital bruxellois. Comme cela peut arriver, je cherchais une place dans un autre hôpital, plus proche de sa famille, pour un patient qui nécessite de tels soins. Il y avait effectivement de la place dans ce grand hôpital namurois, mais on a refusé le patient après avoir appris qu’il avait fait une demande d’euthanasie », témoigne une docteure. Un autre renchérit : « Je reçois fréquemment des patients d’autres institutions, sans que ce transfert soit justifié pour des raisons médicales. Puis je finis par comprendre qu’on me les a adressés, en fin de soins, parce que l’hôpital où on les a soignés ne veut pas entendre leur volonté. Excusez-moi mais, autant j’assume ce qui doit l’être avec mes patients, autant je refuse d’accomplir systématiquement ce que d’autres refusent de faire. »
Le refus « institutionnel » d’appliquer la loi est illégal. Seule l’objection individuelle de conscience est prévue par la loi. « Si ces hôpitaux s’entêtent, des sanctions pourraient tomber. La loi sur le droit des patients est clairement bafouée. Si les hôpitaux sont financés par l’impôt, c’est pour rendre un service public. S’ils ne le rendent plus complètement, ils doivent être sanctionnés financièrement », réagit le sénateur Philippe Mahoux (PS), coauteur de la loi de dépénalisation.

Philippe mahoux (PS)

« Imposer au médecin de réagir à la demande »
L’un des pères de la loi, Philippe Mahoux, président du groupe PS au Sénat, épingle de nombreuses améliorations possibles : « Il faudrait obliger le médecin à réagir dans la dizaine de jours qui suit la demande. Soit il y fait droit, si les conditions sont respectées. Soit il adresse son patient à un confrère. Mais on ne peut pas abandonner son patient sans réponse. » Sur les mineurs : « Quand il y a discernement, il faudrait qu’il y ait droit à bénéficier de la loi. Mais il faut asseoir ce droit sur une sécurité juridique. » Le sénateur reste par contre perplexe pour les personnes atteintes de démences dégénératives évolutives : « La demande doit être réfléchie et volontaire. Comment, en cas de dégénérescence cérébrale, appliquer la décision anticipée ? »

Clotilde nyssens (CDH)

« Opposée à toute extension de la loi »
Clotilde Nyssens, ancienne sénatrice CDH, qui a mené le débat lors des auditions préalables à l’adoption de la loi, reste opposée à toute extension du texte, contre lequel tout son groupe avait voté à l’époque. « Toute la philosophie de la loi actuelle est fondée sur la capacité de la personne à décider, avec le médecin, de son choix de vie. Les mineurs et les inconscients me semblent précisément des personnes fragiles que la société doit protéger a priori. Si une personne qui subit une maladie dégénérative exprime son avis, qu’est-ce qui garantit que, avec l’évolution de sa maladie, sa conception reste la même ? » La sénatrice, qui estime que la fin de vie est « de mieux en mieux abordée en milieu hospitalier », refuse d’allonger la validité de 5 ans de la déclaration anticipée.

Jacques brotchi (MR)

« Je suis pour une extension de la loi aux mineurs et aux déments »
Le sénateur et député communautaire Jacques Brotchi est favorable à l’extension de la loi actuelle aux mineurs et aux personnes démentes. « Certains craignent d’ouvrir la boîte de Pandore, mais je peux témoigner que les enfants atteints de maladie grave disposent d’une grande maturité. De même, l’imagerie peut nous permettre d’objectiver la dégénérescence cérébrale. Il faut populariser la déclaration anticipée, car seuls 2 % des patients qui arrivent à l’hôpital ont préalablement exprimé leur conception. Il faut aussi supprimer l’obligation de renouveler cette déclaration tous les 5 ans. C’est comme un testament : celui qui veut le changer le peut à tout moment. » Attention : en matière éthique, le MR n’applique pas de consigne de vote.

cécile thibaut (ÉCOLO)

« La pénurie de médecins est une menace »
Pour la sénatrice Cécile Thibaut, l’actuelle pénurie de médecins est une menace pour l’application correcte de la loi. « Il faut une sécurité sociale solide et protégée des menaces actuelles. Si ce n’était pas le cas, des possibilités de dérive qu’on ne connaît pas encore pourraient apparaître. » Son groupe, qui avait largement voté la loi, aujourd’hui dans l’opposition, a déposé une proposition pour obliger le médecin qui désire faire jouer sa clause de conscience à adresser son patient à un confrère. Une autre proposition Ecolo entend supprimer l’obligation de devoir renouveler sa déclaration anticipée tous les 5 ans. Par contre, aucune position de parti n’est définie pour l’extension de la loi aux mineurs et aux déments. Mais les écologistes seraient favorables à un débat sur ce thème.

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