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Monday, January 12, 2015

Cancers oropharyngés : alcool, tabac, HPV et…les dents !

L’augmentation de l’incidence des cancers bucco-pharyngés chez les non-fumeurs suggère l’intervention d’autres carcinogènes que le tabac et l’alcool. Le rôle du papillomavirus (HPV) est connu, mais quelques études suggéraient aussi un lien possible entre une irritation chronique de la muqueuse buccale par les dents ou les prothèses dentaires et le développement d’un carcinome épidermoïde, mais les éventuelles lésions dentaires sont rarement précisées dans le bilan des cancers oro-pharyngés. Aussi une équipe australienne s’est-elle attachée à rassembler des arguments indirects en faveur du rôle oncogène potentiel de l’irritation muqueuse chronique par les dents et de son interaction avec l’HPV.
Une analyse rétrospective de 724 patients adressés pour des cancers bucco-pharyngés dans un centre de référence entre 2001 et 2011 confirme l’importance grandissante de la proportion de non-fumeurs (22 % pour les tumeurs buccales, 14 % pour les localisations oropharyngées) : il s’agit plus souvent de femmes (61 % de tous les cancers de la cavité buccale mais seulement 25 % des tumeurs oro-pharyngées.
Chez tous les patients, les cancers de la cavité buccale se situent préférentiellement sur le bord latéral de la langue dans toute la population, mais de façon plus marquée chez les non-fumeurs (66 %) que chez les fumeurs (33 %, p < 0,001). Pour les auteurs, ces données indiquent l’existence d’un élément favorisant le cancer à ce niveau, or le bord de la langue est particulièrement exposé aux traumatismes dentaires chroniques. L’implication de ces derniers serait proportionnellement moindre chez les fumeurs, où le facteur oncogène qu’est le tabac affecte tout l’oropharynx. Les cancers de la muqueuse buccale et gingivale surviennent essentiellement chez les sujets les plus âgés, ce qui pourrait soulever le rôle des frottements liés aux prothèses dentaires. Chez 26 patients, la tumeur s’était développée dans une zone très proche d’anomalies dentaires.
 L’HPV est mis en cause dans le développement des cancers ORL, surtout chez les patients les plus jeunes sans antécédents alcoolo-tabagiques. Il pourrait constituer un cocarcinogène des traumatismes dentaires chroniques, les lésions liées à l’HPV se développant préférentiellement sur les zones déjà irritées.
Cette étude, la première de cette ampleur sur le sujet n’apporte pas la preuve directe du rôle des irritations dentaires dans le développement des cancers buccaux, mais indique toutefois qu’ils surviennent principalement sur les sites potentiellement lésés par des aspérités dentaires ou les prothèses
Des arguments qui ne peuvent qu’inciter les médecins à surveiller plus systématiquement l’état dentaire de leurs patients et à intégrer un bilan dentaire précis dans toutes les études menées sur les tumeurs oro-pharyngées.
Dr Maia Bovard-Gouffrant
RÉFÉRENCE
Perry BJ et coll. : Sites of Origin of Oral Cavity Cancer in Nonsmokers vs Smokers: Possible Evidence of Dental Trauma Carcinogenesis and Its Importance Compared With Human Papillomavirus, JAMA Otolaryngol Head Neck Surg. 2014; publication avancée en ligne le 6 novembre. doi:10.1001/jamaoto.2014.2620

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