Shinitai ou vouloir mourir sur Twitter
Avec l’essor considérable des activités en ligne, l’accent a déjà été mis sur l’intérêt pour le psychiatre d’utiliser parfois certaines données sur le patient disponibles au moyen d’Internet. Si la consultation éventuelle des blogs, des forums de discussions ou du mur de Facebook est déjà pratiquée, une étude réalisée au Japon propose d’intégrer aussi les données venues de Twitter, le célèbre réseau social de « microblogging. »
Cette étude portait sur 1 000 participants âgés de 20 à 29 ans (en moyenne 24,9 ans ± 2,9 ans, avec 61,3 % de femmes), extraits d’une population de plus de 220 000 internautes.
L’objectif était de préciser le lien entre un comportement suicidaire et les références explicites au suicide sur le compte Twitter des intéressés. Certains facteurs confondants ont été écartés (sexe, âge, niveau scolaire, statut marital, statut professionnel, revenus, addiction à l’alcool…) pour éliminer des biais prévisibles et «améliorer la robustesse des résultats. »
L’analyse statistique des données a montré que certains messages courts comme «shinitai » (vouloir mourir, en japonais) ou « jisatsu-shitai » (vouloir se suicider) sont, comme on pouvait a priori le penser, « significativement liés à des idées et des comportements suicidaires. » Plus précisément, le tweet « vouloir se suicider » est plus fortement associé que le tweet « vouloir mourir » à un antécédent de tentative de suicide, or ce type d’antécédent constitue « le plus puissant élément prédictif » d’une nouvelle tentative de suicide. Autre constat (très rassurant cette fois pour les nombreux utilisateurs de ce réseau social !) : ni le fait d’avoir un compte Twitter, ni le fait de s’adonner quotidiennement à cette pratique de « microblogage » ne sont associés à une élévation du risque de comportement suicidaire.
L’auteur conclut que le contenu des comptes Twitter peut « être utilisé pour repérer » des jeunes internautes au profil suicidaire en fournissant une « base d’identification précoce » des sujets « présentant un risque élevé de suicide. » Plus généralement, cette étude vient démentir les Cassandres prophétisant une catastrophe sociale avec la raréfaction des « vrais contacts humains », balayés par la prolifération des écrans et des « relations virtuelles » : cette communication sur le réseau est parfois très utile.
Dr Alain Cohen
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