Dépistage systématique du cancer du sein après 70 ans : un mauvais scenario ?
La question de l’intérêt du dépistage systématique du cancer du
sein continue d’alimenter la littérature scientifique. Cette fois
c’est une étude néerlandaise qui relance le sujet, en ciblant le
dépistage des femmes de plus de 70 ans. En effet, si le doute est
encore permis pour le dépistage systématique des femmes de 50 à 69
ans, il l’est encore plus pour les plus âgées. Aucune preuve
formelle n’existe en effet de l’effet bénéfique du dépistage dans
cette classe d’âge, les essais randomisés excluant le plus souvent
les femmes de plus de 60 ans et les études observationnelles basées
sur le taux de mortalité sont sujettes à de nombreux biais
spécifiques à cette classe d’âge.
Suivre l’évolution de l’incidence des cancers dépistés à un
stade avancé avant et après la mise en place du dépistage peut être
une autre façon d’évaluer l’efficacité de celui-ci. C’est cette
méthode de comparaison qu’a choisie l’équipe néerlandaise. En
Hollande, le dépistage systématique du cancer du sein n’a été
étendu aux femmes de 69 à 75 ans qu’à partir de 1998. Les auteurs
ont confronté l’incidence des cancers dépistés à un stade
précoce (I, II ou carcinome in situ) et celle des cancers de stade
évolué (III et IV) avant et après l’extension du dépistage aux
femmes de plus de 69 ans.
Sans surprise, l’incidence des tumeurs à un stade précoce
s’élève significativement après la mise en place de l’extension du
dépistage aux femmes de 69 à 75 ans. Entre 1995 et 2011 (n = 25
414), elle augmente en effet de près de 50 %, passant de 248,7 cas
pour 100 000 femmes avant le dépistage systématique à 362,9 cas
pour 100 000 après (Incidence Rate Ratio [IRR] 1,46, intervalle de
confiance à 95 % [IC] 1,40 à 1,52, p < 0,001). Mais cette
augmentation des stades précoces ne se traduit pas par une
réduction équivalente de l’incidence des formes avancées, qui n’est
réduite que d’un peu plus de 10 %, passant de 58,6 cas pour 100 000
à 51,8 pour 100 000 (IRR 0,88 ; IC 0,81 à 0,97). Les auteurs
estiment que pour chaque tumeur à un stade avancé évitée par le
dépistage, près de 20 tumeurs à un stade précoce sont dépistées «
en excès » (114,2 tumeurs précoces en plus pour 6,8 tumeurs
évoluées en moins).
En 2009, Esserman et coll. proposaient 3 scenarii possibles
après la mise en place d’un dépistage systématique. Dans le
scenario idéal, l’incidence des cancers dépistés à un stade précoce
augmente, tandis que se réduit dans une même mesure celle des
cancers dépistés à un stade avancé, le nombre total de cancers
restant identique. Dans le pire des scenarios, l’incidence des
cancers de stade précoce augmente sans que diminue celle des stades
avancés. Le 3ème scenario se situant entre les deux.
Nous sommes ici dans ce 3ème scénario selon Esserman, le
scenario intermédiaire, avec une augmentation de 50 % des cancers à
un stade précoce et une faible réduction des cancers à un stade
évolué, laissant suspecter un nombre important de surdiagnostics.
La réduction des cancers dépistés à un stade avancé est tellement
modeste que les auteurs estiment même que le pire scenario est
évité de justesse.
Dr Roseline Péluchon
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