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Wednesday, April 9, 2014


Vous avez dit palliatif ?
Par Jean-Louis Pujol (CHU de Montpellier et Laboratoire Epsylon EA 4556)
Article commenté :
Patients’ Expectations about Effects of Chemotherapy for Advanced Cancer
Weeks JC, Catalano PJ, Cronin A et al.
N Engl J Med 2012 ; 367:1616-25.


Qu’attend de la chimiothérapie un patient atteint d’un cancer du poumon (ou du côlon) au stade métastatique ?
La question posée ici touche au point le plus sensible de l’indication d’une chimiothérapie dans une situation palliative, et c’est une question éthique : il y a une ambivalence à la prescription d’une chimiothérapie dont le seul but réaliste est de prolonger la survie, un bénéfice qu’il faut mesurer en semaines plutôt qu’en mois : l’ambivalence d’un traitement supposé soulager les symptômes tout en en provoquant d’autres ; et les mêmes drogues utilisées pour leurs propriétés anticancéreuses sont aussi classées cancérogènes.
Des études antérieures montrent que les praticiens comme les patients éludent la difficulté de l’information pronostique en passant rapidement à l’information sur les traitements.
 
Dans cette enquête menée à l’échelle de cinq régions géographiques des USA, 1.200 patients ont répondu à un questionnaire portant sur leurs attentes. Leur diagnostic (cancer du poumon ou cancer du côlon de stade IV) devait avoir été fait quatre mois auparavant et ils devaient recevoir, ou être en passe de recevoir, une chimiothérapie.
Les trois items sur lesquels ils étaient interrogés portaient sur l’efficacité de la chimiothérapie à (i) soulager les symptômes, (ii) prolonger la survie et (iii) permettre une guérison. Les réponses attendues n’étaient pas dichotomiques mais rapportées à une échelle de Likert à choix forcé.
 
Le principal enseignement de cette étude est la proportion importante de patients convaincus de l’efficacité de la chimiothérapie comme traitement susceptible d’entraîner la guérison. Les auteurs, en considérant la réponse « pas du tout » comme seule réponse correcte, concluent à l’incompréhension des objectifs de la chimiothérapie chez 69% des patients atteints d’un cancer du poumon et de 81% de ceux qui souffraient d’un cancer du côlon.
Cette incompréhension est plus fréquente chez les patients considérant la relation à leur oncologue comme empathique ; elle est également plus marquée pour les patients « blancs non-hispaniques ».
 
Commentaire 
Cette étude est assez déstabilisante.
 Pourquoi une relation empathique serait-elle une source de malentendu ? 
Les auteurs avancent l’hypothèse que la perception de la relation médecin – malade est d’autant meilleure que l’oncologue serait optimiste.
Il y aurait donc une importante responsabilité de l’oncologue dans la surdétermination de la chimiothérapie. Il est possible de le lire différemment : les auteurs ont considéré comme acquis la relation univoque de la chimiothérapie et de la palliation ; comme si la chimiothérapie faisait partie d’un « compassionate treatment in end-of-life care ». 

Ceci est vrai si la chimiothérapie est le traitement exclusif, mais il est des situations de stades métastatiques qui échappent à cette vision uniformisée : celle des métastases pulmonaires de cancer du côlon ou celle d’une métastase cérébrale unique d’un cancer bronchique, par exemple, situations dans lesquelles la chimiothérapie et la chirurgie entrent dans le même programme.
Les auteurs ont également fait le choix, semble-t-il arbitraire, d’interroger les patients quatre à sept mois après le diagnostic et de ne le faire qu’une seule fois. Mais il ne suffit pas d’annoncer à un patient le caractère palliatif d’un traitement pour que l’information soit perlaborée.
En conséquence, l’étude méconnaît les changements ayant pu survenir avant ou après le moment de l’entretien, et, voulant éviter une dichotomisation de la réponse (palliatif versus curatif) par une échelle de Likert, elle la retrouve en admettant la réponse la plus pessimiste comme seule acceptable.

Date de publication : 02-04-2014

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