Ne pas participer « à un traitement cruel, inhumain ou dégradant »
Exerçant au Centre de Santé Mentale de Beer Ya’acov (Israël), le
Dr Rael Strous évoque les considérations éthiques s’imposant aux
médecins en général, et aux psychiatres en particulier, lors des
conflits, lesquels persistent hélas « un peu partout dans le
monde, malgré les progrès de la civilisation », au point qu’on
peut se demander, avec pessimisme, si l’inclination belliqueuse est
consubstantielle à l’humanité.
Les praticiens devraient, estime l’auteur, opérer la distinction
entre leur vie professionnelle et leur vie civile : en tant que «
citoyens ordinaires », des psychiatres peuvent ainsi «
s’impliquer dans un activisme politique », mais comme
médecins, cette démarche « devrait être découragée. » Les
psychiatres devraient rester neutres en temps de guerre, ne pas
prendre parti, si ce n’est celui des gens qui souffrent des
conséquences du conflit, surtout « quand leurs droits se
trouvent limités. » Cela va sans dire, mais il est bon de
rappeler que l’ONU dénonce les actes de torture (comme des méthodes
infligeant délibérément une douleur physique ou morale pour obtenir
des aveux ou des informations d’un prisonnier) et que le serment
d’Hippocrate est incompatible avec toute collaboration avec des
tortionnaires. Si le sinistre exemple des médecins nazis ne suffit
pas à dénoncer cette triste possibilité, on peut préciser que, dans
sa déclaration de Tokyo de 1975[1], l’Association Médicale Mondiale
dit explicitement qu’aucun médecin « ne devra jamais
participer » à une « torture ou autre forme de traitement
cruel, inhumain ou dégradant », quels que soient les faits
dont la victime est suspectée ou coupable. Cette non-participation
à un supplice s’impose au médecin, même en tant que « simple
témoin » et s’il ne commet pas lui-même directement une telle
exaction, car il manquerait alors à son devoir constant
d’assistance à une personne souffrante.
Ce débat rappelle d’ailleurs celui de la «
médicalisation » de la peine de mort dans certaines
parties du monde (notamment dans certains états des USA) où des
praticiens se prêtent à la « surveillance médicale » du
condamné à mort, au mépris de l’article 2 de cette déclaration de
Tokyo stipulant qu’un médecin « ne devra jamais fournir les
instruments ou produits, ni faire état des ses connaissances en vue
d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant ou d’affaiblir la
résistance » d’une personne. Et cette participation éminemment
contestable du médecin à un « meurtre légal » fut
caricaturale dans des pays (comme le Royaume Uni au XIXème siècle)
où la législation tenait les suicidés pour des criminels : une
tentative de suicide pouvait alors être punie d’une lourde peine, y
compris de mort, le suicidant étant alors ramené médicalement à la
vie pour être pendu ! En France, ce fut le sort de Pierre Laval :
condamné à mort à la Libération pour collaboration avec l’Allemagne
nazie, il fit dans sa cellule une tentative de suicide dont on le
tira d’affaire... pour le fusiller ensuite comme prévu !
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