La Belgique débat de l'euthanasie d'enfants
Pendant que le Québec commence à peine à se prononcer sur
l'aide médicale à mourir, la Belgique étudie un projet de loi visant à
dépénaliser l'euthanasie pour les mineurs, une première dans le monde.
Portrait de la situation.
Iwona
Sacewicz est fatiguée. La femme de 40 ans s'occupe sans relâche de sa
fille Izabela, qui a reçu il y a six ans le diagnostic de la maladie de
Huntington. Une maladie dégénérative qui provoque la destruction des
parties du cerveau responsables du contrôle des mouvements. À 18 ans,
l'adolescente n'arrive plus à marcher ni à parler.
Depuis quelque
temps, elle ne peut même plus avaler correctement la nourriture et est
alimentée par une sonde. Son état se détériore inéluctablement et elle
demande de plus en plus de soins.
Mais quand Iwona a entendu parler du projet de loi dépénalisant l'euthanasie pour les mineurs, elle n'en revenait pas.
Farouchement
opposée au projet de loi qui a déjà été adopté en décembre dernier dans
une des deux chambres du Parlement belge, Iwona sait qu'un jour elle
sera confrontée à ce choix. Et même si sa fille est maintenant adulte,
elle imagine facilement le choix auquel peuvent être confrontés les
parents, car elle a vu son état se détériorer grandement entre 12 et 18
ans.
Le jour où nous les avons visitées dans leur appartement
modeste de Bruxelles, elles recevaient la visite d'une infirmière
spécialisée dans l'accompagnement des enfants gravement malades. Au
cours de sa longue carrière, Sonia Develter a accompagné pas moins de
200 enfants jusqu'à leur dernier moment.
« Jamais, aucun de ces
enfants n'a demandé à mourir plus vite », dit-elle, absolument
convaincue que le but de ce projet de loi est davantage de protéger les
médecins qui n'ont souvent pas de connaissances en soins palliatifs et
d'accompagner les parents qui n'en peuvent plus de voir leur enfant
souffrir.
Elle est d'autant plus opposée que le projet ne prévoit
pas de limite d'âge, à condition que la souffrance soit constante,
insupportable et inapaisable.
Le fait que le jeune qui réclame
l'euthanasie doive avoir une capacité de discernement, attestée par un
pédopsychiatre, ne la rassure pas beaucoup. « Les familles sont en
souffrance, dit-elle, et ça peut influencer l'enfant. »
Mais pour
ceux qui appuient le projet de loi - et ils sont nombreux en Belgique,
pays qui a légalisé l'euthanasie pour les adultes il y a déjà 12 ans -,
les enfants doivent avoir le droit de décider s'ils ne veulent plus
souffrir.
De toute façon, l'euthanasie pour les mineurs a déjà
lieu dans les hôpitaux, dit le pédiatre à l'hôpital universitaire UZB et
professeur d'éthique, Michel Deneyer, « mais ça se passe dans
l'obscurité et ce n'est pas bon ».
Il est un farouche défenseur de l'élargissement du droit à l'euthanasie aux enfants.
« Ils
souffrent aussi tellement que nous ne pouvons donner de médicaments
adéquats pour qu'ils n'aient plus mal. Alors ils demandent vraiment pour
mourir », ajoute M. Deneyer.
Marijke Bachely, elle le sait de son
expérience la plus intime. Son fils a reçu un diagnostic de cancer très
rare du foie. Chimiothérapie, transplantation; après deux ans de
traitement, le cancer s'est répandu. Malgré ses sept ans, Benjamin
savait que la fin était proche.
C'est lui qui a refusé les
derniers soins intensifs, sachant qu'ils ne feraient que prolonger un
tout petit peu sa vie. Pour Marijke, les enfants deviennent étonnement
matures quand ils sont gravement malades. Elle n'a aucun doute quant à
leur capacité de discernement.
À ceux qui argumentent qu'un enfant
est influençable plus encore peut-être qu'un adulte, elle rétorque
qu'elle ne voit pas de raison pour laquelle on voudrait inciter un
enfant à mettre fin à ses jours.
« Dans le cas d'euthanasie
d'adultes, je peux comprendre qu'il peut y avoir un but derrière, un
héritage par exemple. Mais quand ce sont des enfants, qu'est-ce qui peut
y avoir comme but à abréger les souffrances de l'enfant, à part abréger
ses souffrances? », se demande-t-elle.
Le projet de loi devrait être approuvé par la chambre basse du Parlement belge dans les prochaines semaines.
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