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Thursday, February 5, 2015

L’hypokaliémie, de mauvais pronostic chez le patient hospitalisé pour une affection aiguë

Parmi les troubles de l’équilibre hydro-électrolytiques détectés chez les malades hospitalisés, l’un des plus fréquents est indéniablement l’hypokaliémie. C’est aussi l’un des plus sérieux, puisqu’il peut mettre en jeu le pronostic vital, notamment en cas de maladie cardiovasculaire, au travers des troubles du rythme qu’il peut entraîner. Ce qui est vrai pour des groupes à risque ne l’est pas nécessairement au sein de populations moins sélectionnées et cette réserve est à l’origine d’une étude de cohorte prospective de grande envergure réalisée dans le centre hospitalo-universitaire d’Odense (Danemark). L’objectif était de préciser la prévalence, les facteurs de risque et la valeur pronostique d’une hypokaliémie mise en évidence chez  11 988 patients hospitalisés pour la première fois, en raison d’une affection médicale aiguë, autrement dit dans un contexte d’urgence, mais sans orientation diagnostique précise, à la différence des autres études publiées sur le sujet. La période d’inclusion s’est étalée entre août 2009 et août 2011.
Les données suivantes ont été recueillies à partir du registre des hospitalisations : caractéristiques démographiques et cliniques de chaque patient, résultats des examens de laboratoire, prescriptions antérieures et moment du décès. C’est en effet la mortalité globale qui a été le seul critère de jugement. Celle-ci a été estimée à deux périodes : respectivement entre l’admission (J0) et le 7ème jour (J7), puis entre le 8ème et le 30ème jour (J8-J30). Le risque relatif de décès, exprimé sous la forme d’un hazard ratio (HR), a été estimé en comparant deux groupes, l’un dont la kalièmie était jugée normale lors de l’admission (3,4-3,8 mmol/l), l’autre caractérisé par une hypokaliémie (<3,4 mmol/l) au même moment.
Une hypokaliémie ainsi définie a été mise en évidence chez 2 011 patients, soit une prévalence de 16,8 %. Ce désordre hydro-électrolytique a été associé à un HR élevé de mortalité, soit 1,34 (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %], 0,98-1,85) entre J0 et J7, et 1,56 (IC 95 %, 1,18-3,06) entre J8 et J30. En cas d’hypokaliémie jugée sévère (K+ < 2,9 mmol/l), les valeurs correspondantes ont été respectivement de 2,17 (IC95 %, 1,34-3,49) et 1,90 (IC95 %, 1,18-3,06). Les facteurs pronostiques les plus significatifs ont été, d’une part, un âge élevé, d’autre part, un index de comorbidité de Charlson médiocre. Ce paramètre prédit le risque de décès à 10 ans en fonction des pathologies associées. En revanche, le risque iatrogène lié notamment à la prise habituelle de diurétiques et/ou de bêta-bloquants s’est avéré non significatif.
Cette étude de cohorte prospective démontre que l’hypokaliémie met en jeu le pronostic vital à court terme (J8 et J30) chez les patients hospitalisés pour une affection médicale aiguë, qui ne relève pas a priori d’une maladie cardiovasculaire. Le risque est particulièrement élevé quand plusieurs causes de morbidité interviennent et c’est dans ce cas de figure que la restauration d’une kaliémie normale mérite a priori d’être rapidement envisagée.
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE
Jensen H et coll. : Hypokalemia in acute medical patients: risk factors and prognosis. Am J Med., 2015 ; 128 : 60–67.

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