Translate

Sunday, November 3, 2013

Le prochain défi des soins palliatifs pédiatriques


Pr Nago Humbert, directeur de l’unité en soins palliatifs pédiatriques, CHU Ste Justine Montréal, président du Réseau Francophone de Soins Palliatifs Pédiatriques
Edito
 
Dans les prochaines années, le défi majeur des soins palliatifs pédiatriques sera leur  intégration dans les soins de santé des pays défavorisés. Actuellement, ils sont encore perçus dans les milieux médicaux et par les gouvernements comme faisant partie d’une approche pour pays privilégiés. Ceci ne doit toutefois pas nous servir d’excuse pour ne pas redoubler d’effort afin de favoriser leur accessibilité pour la population pédiatrique de notre terre qui a en le plus besoin. Même si le véritable scandale réside surtout dans le fait que la plupart des 7,6 millions d’enfants de moins de 5 ans qui décèdent annuellement, les ¾ en Afrique et en Asie du Sud-est,  ne devraient pas mourir s’ils recevaient des soins appropriés.
En 2002, lors du congrès des pédiatres de langue française à Beyrouth j’ai fait une conférence sur les soins palliatifs pédiatriques. Le lendemain lors d’une visite dans la vallée de la Bekaa, une jeune oncologue pédiatre libanaise me confia qu’elle avait été touchée par mes propos et qu’elle en avait parlé à ses patrons. La réponse de ces derniers avait été sans appel :"Ce genre de spécialité c’est pour les pays riches".
L’année dernière j’ai été invité à parler du même sujet à Bethléem devant des pédiatres, des infirmières et des psychologues. Une partie de l’assistance a quitté la salle et pour ceux qui sont restés,  j’avais l’impression que je transgressais des tabous en prononçant des mots interdits : souffrance, douleur, mort, deuil.
Et pourtant, pour avoir travaillé dans ces pays plusieurs années, je peux confirmer que les enfants ressentent, au-delà  des interprétations anthropologiques ou culturelles, de la douleur, de la souffrance et de l’angoisse comme n’importe quel enfant atteint d’une maladie potentiellement mortelle et que la douleur de la perte est universelle chez les mamans, les papas et les frères et sœurs.
Dans la plupart des pays défavorisés, lorsque qu’on ne  peut pas guérir un enfant,  on le rend simplement à sa famille et le petit malade va mourir, entouré d’amour certes, mais dans la douleur et les souffrances de l’agonie.
Il ne s’agit pas ici de faire du néocolonialisme médical en imposant nos méthodes, car nous avons beaucoup à apprendre de ces sociétés dans leur approche communautaire, mais de sensibiliser le corps médical et les professionnels de la santé, ainsi que les gouvernements, pour une meilleure prise en charge des enfants atteints d’une maladie incurable.
Ceux qui ont assisté, lors de notre dernier congrès en octobre 2012 à Montréal, à l’exposé de Anselme Kananga sur son travail à Kinshasa auprès des enfants en soins palliatifs à domicile, auront non seulement été impressionné  par la prise charge communautaire avant et après le décès, mais auront reçu également une belle leçon d’espoir. En effet, avec obstination, certains de nos collègues du "Sud" font avancer les choses comme par exemple Anselme, qui, à force de persuasion  et à l’instar de l’Ouganda, a fait accepter la morphine par le ministère de la santé de la république démocratique du Congo.
C’est pourquoi je propose que notre prochain défi soit de partager notre expertise avec nos collègues du " Sud" pour que les enfants, les plus démunis parmi les plus démunis de notre terre, ne doivent ajouter la douleur à l’indignité de leur précarité.

No comments:

Post a Comment