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Monday, July 29, 2013

La solitude du cancérologue…
 
Par Jean-Louis Pujol (CHU de Montpellier et Laboratoire Epsylon EA 4556)
D’après : Goldwasser François, « La décision médicale en cas de cancer incurable », in Emmanuel Hirsch, Traité de bioéthique. ERES « Poche - Espace éthique », 2010 p. 323-341.


La question soulevée par cet article concerne beaucoup d’entre nous. Qu’appelle-t-on chimiothérapie palliative ? 
 
 
 L’évolution de la cancérologie vers une chronicisation de la maladie, c'est-à-dire vers un aménagement d’une vie prolongée possible avec une maladie cancéreuse (exemple des cancers métastatiques), rend caduque la segmentation des traitements en curatifs et palliatifs.
Dans ce chapitre d’ouvrage, l’auteur souligne que la difficulté d’arrêter la chimiothérapie tient à une sorte de surinvestissement réciproque de ce traitement, tant pour le patient que pour le soignant. Dans ce cas, rien ne peut venir se substituer à la chimiothérapie et, avec sa cessation, le lien thérapeutique devient vide de sens.

Deux améliorations sont proposées par l’auteur pour limiter le surinvestissement de la chimiothérapie :
1. Expliquer, dès le début, au patient que le traitement d’un cancer ne se réduit pas au contrôle du syndrome tumoral, ce que font, entre autres, la chimiothérapie mais aussi les thérapies ciblées ; il est, en effet, d’autres phénomènes associés, tels que la dénutrition ou la douleur, tout aussi importants à contrôler et qui le restent après la fin de la chimiothérapie. 

2. Créer des comités spécifiques, multidisciplinaires et multi-professionnels capables de ne pas laisser un médecin dans la solitude de la décision : «
dois-je poursuivre, dois-je arrêter ? »

Je me permettrais une réflexion personnelle :
S’il est si difficile au thérapeute de se réfréner et de dire « il ne faut pas faire la énième ligne de chimiothérapie », c’est parce que la chimiothérapie n’a pas qu’une fonction thérapeutique. Elle recouvre aussi une valeur de symbole au sens du dictionnaire : « Signe de reconnaissance. Objet coupé en deux, dont deux hôtes conservaient dans l’Antiquité chacun une moitié : ces deux parties rapprochées servaient à faire reconnaître les porteurs et à prouver les relations d’hospitalités contractées antérieurement ». Ainsi, quand il n’y a plus de chimiothérapie, il n’y a plus de signe de reconnaissance pour faire média dans la relation.
Poursuivons ! Qu’est-ce qu’un symbole en psychanalyse ? C’est du savoir sans sujet externe et cela fait généralement écho au symptôme (savoir sans sujet interne). Donc il y a une utilisation du symbole chaque fois qu’il est difficile de subjectiver la relation. Or, comment appelle-t-on une chimiothérapie dans un service de cancérologie : on dit « protocole ». C’est la possibilité de s’évader du « je » pour se protéger dans le « nous » du protocole écrit et dont la responsabilité est collective puisqu’elle implique tous, institution, soignants et patient.

Date de publication : 19-07-2013

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