Dans euthanasie, y a-t-il « nazi » ?
Bruxelles, le samedi 24 mai 2014 –
Les débats autour de
l’euthanasie ne sont pas toujours empreints de profondes réflexions
philosophiques sur le sens de la vie. Loin de là. Souvent ça ne
vole pas haut. Et il ne faut pas toujours attendre très longtemps
avant que des invectives fusent et que les opposants à l’euthanasie
traitent ses partisans de « nazis ». L’insulte est fréquente et
n’est pas nécessairement directement rattachée à l’histoire de la
seconde guerre mondiale. Cependant, lorsqu’ils fourbissent un peu
leur argumentation les opposants les plus farouches n’hésitent pas
toujours à établir un lien entre les euthanasies d’aujourd’hui et
les pratiques des nazis, en évoquant notamment l'assassinat de
nombreux handicapés mentaux dans Allemagne
national-socialiste.
Ne dites plus « euthanasieur », ne dites plus « tuer »
Militante affichée pour le « droit de mourir dans la dignité »,
Jacqueline Jencquel tient un blog qui est en grande partie une
revue de presse des articles les plus saillants autour de
l’euthanasie, qu’ils émanent des partisans ou des opposants et
qu’ils soient rédigés en français ou en anglais. Mais parfois,
Jacqueline Jencquel sort de l’ombre pour livrer plus certainement
son opinion. Ainsi, dans une des dernières notes publiées sur son
blog, elle s’insurge contre l’utilisation par certains groupes «
pro vie » du terme d’ « euthanasieur » pour désigner les médecins
pratiquant légalement (ou illégalement) des euthanasies. « Il
faut arrêter avec ces comparaisons ignobles et dépourvues de sens
que font les opposants à une loi pour légaliser l’aide active à
mourir. Le mot « euthanasieur » a été inventé après le verbe «
euthanasier » pour raviver la mémoire de ceux qui se souviennent
des horreurs commises par les nazis. Les mots en eux-mêmes font
froid dans le dos car ils évoquent des crimes commis en toute
impunité contre des personnes en bonne santé et pleines de vie, qui
n’avaient rien fait pour mériter d’être tuées. (…) Qu’est-ce que
cela a à voir avec ce que notre mouvement représente : nous voulons
épargner des souffrances inutiles à des personnes lucides, qui le
demandent. Comment peut-on utiliser ces mots-là en sachant ce
qu’ils représentent dans l’imaginaire de la plupart d’entre nous ?
Chaque fois que je lis ce genre d’articles, je suis révoltée par
l’hypocrisie de ces personnes arrogantes et cruelles qui font un
amalgame entre deux faits opposés: le crime et la compassion, le
totalitarisme et le respect de la liberté d’autrui. N’utilisons
plus ces mots, ni le verbe « tuer » lorsque nous parlons de la
bonne mort, de la mort douce, de la mort soulagement : l’euthanasie
(du grec eu: bon et thanatos: mort) », écrit-elle dans un post
que nous reproduisons ici quasiment dans son intégralité.
Un « euthanasieur » à Cracovie
Il est vrai que l’utilisation du terme « euthanasieur » est souvent
le fait de groupes militants rejetant toute idée d’euthanasie afin
de désigner péjorativement les médecins pratiquant cet acte. Ainsi,
récemment, des praticiens proches de ces milieux (souvent associés
aux associations catholiques extrémistes) ont qualifié le docteur
Wim Distelmans, président de la Commission belge de contrôle et
d’évaluation de l’euthanasie, « d’euthanasieur ». Cependant, alors
que des militants, telle Jacqueline Jencquel exhortent d’éviter
tout terme qui pourrait renvoyer d’une manière ou d’une autre vers
les pages les plus sombres de l’histoire, d’autres, comme le
docteur Wim Distelmans, précisément, ne semblent pas hésiter face à
la provocation. Comme nous l’a également révélé le blog de
Jacqueline Jencquel, apparemment soucieuse de présenter tous les
points de vue, si le docteur Wim Distelmans est aujourd’hui (de
nouveau) dans la ligne de mire des groupes pro vie c’est à cause de
l’organisation d’un prochain séminaire de réflexion sur
l’euthanasie à Cracovie. Or, durant ce séjour dans la ville
polonaise, une visite des camps d’extermination d’Auschwitz est
programmée. On peut en effet lire sur le programme envoyé par Wim
Distelmans à ses confrères : « Dans la problématique globale de
la fin de vie, l’on se trouve sans cesse confronté à la douleur
existentielle, à la question du sens, à l’introspection, la
dépendance et l’autonomie, l’idée de l’achèvement et surtout de la
(de l’in-) dignité. C’est pourquoi il nous a semblé plus que
logique d’organiser notre prochain voyage d’études dans un lieu qui
est par excellence le symbole d’une fin de vie indigne de l’homme :
Oświęcim, mieux connu sous le nom d’Auschwitz, le camp
d’extermination nazi en Pologne. Ce lieu nous semble apte à
susciter l’inspiration afin d’y réfléchir, en séminaire sur place,
à cette problématique, afin de lever la confusion ».
Bien sûr, il n’en fallait pas plus pour que les opposants à l’euthanasie lisent, plutôt que l’appel à une réflexion complexe sur la question de l’indignité ou une très regrettable faute de goût, un aveu déguisé par les médecins pratiquant l’euthanasie de leurs véritables intentions. Ainsi, les docteurs Kevin Fitzpatrick, directeur d’Euthanasia Prevention Coalition Europe, responsable de Not Dead Yet UK (« Pas encore morts ») et le Dr Tom Mortier, professeur de chimie à Leuven University College (Louvain, Belgique) dont le texte est repris par le blog de Jacqueline Jencquel ont immédiatement réagi : « Le voyage d’études organisé par Distelmans aide en effet à clarifier les choses : il montre combien est minime la distance entre l’euthanasie belge en 2014 et les camps de la mort nazis en 1944 » écrivent-ils.
Bien sûr, il n’en fallait pas plus pour que les opposants à l’euthanasie lisent, plutôt que l’appel à une réflexion complexe sur la question de l’indignité ou une très regrettable faute de goût, un aveu déguisé par les médecins pratiquant l’euthanasie de leurs véritables intentions. Ainsi, les docteurs Kevin Fitzpatrick, directeur d’Euthanasia Prevention Coalition Europe, responsable de Not Dead Yet UK (« Pas encore morts ») et le Dr Tom Mortier, professeur de chimie à Leuven University College (Louvain, Belgique) dont le texte est repris par le blog de Jacqueline Jencquel ont immédiatement réagi : « Le voyage d’études organisé par Distelmans aide en effet à clarifier les choses : il montre combien est minime la distance entre l’euthanasie belge en 2014 et les camps de la mort nazis en 1944 » écrivent-ils.
Provocation
Bien sûr, dans leur réaction, les docteurs Fitzpatrick et Tom
Mortier montrent leur assimilation sans nuance de l’euthanasie à un
meurtre puisqu’ils interrogent : « Imaginons qu’une hypothétique
association de bourreaux des prisons d’Etat américaines organise un
week-end de vacances à Auschwitz, avec, comme point final à une
journée épuisante, un dîner dans l’un des meilleurs restaurants de
Cracovie (ainsi que le prévoit le programme du Dr Distelmans et de
ses compagnons de voyage) n’y aurait il pas un tollé ? ». Par
ailleurs, ils profitent de la révélation de cette destination
étonnante pour une nouvelle fois établir une filiation entre les
exactions des nazis et les partisans de l’euthanasie.
Cependant, derrière l’outrance des propos (que l’on soit pour ou
contre), ne peut-on avec eux reconnaître que le docteur Distelmans
a été « victime d’une grave erreur de jugement ». Car en effet,
même si Jacqueline Jencquel ne semble s’offusquer dans cette
affaire que du fait que l’on ait traité le docteur Distelmans «
d’euthanasieur », ne pourrait-on pas également s’interroger sur son
choix de réaliser son séminaire à Cracovie et de programmer une
visite d’Auschwitz ? N’est-ce pas une forme de provocation qui ne
peut que desservir la cause qu’il représente ?
Pour en savoir plus sur cette affaire oiseuse, vous pouvez vous rendre sur le blog de Jacqueline Jencquel :
http://jacquelinejencquel.com/
Pour en savoir plus sur cette affaire oiseuse, vous pouvez vous rendre sur le blog de Jacqueline Jencquel :
http://jacquelinejencquel.com/
Aurélie Haroche
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